Magistra
Hersende physica est une femme médecin. Elle
a reçu une instruction universitaire comme son titre
l'indique mais elle n'appartient pas à un ordre religieux,
ce qui constitue un fait exceptionnel pour l'époque.
Entre 1248 et 1250, elle a accompagné Saint-Louis en
Egypte et est devenue son médecin personnel. Sa présence
est attestée dans un document d'Acre daté d'Août
1250, dans lequel sont mentionnés ses gages (12 deniers
Parisii). Son séjour en Terre Sainte fut l'occasion pour
Hersende d'étudier la médecine et la chirurgie
arabe. En effet, les conflits récurrents entre Chrétiens
et Musulmans n'ont pas empêché les échanges
intellectuels entre savants contemporains. En
1250, Hersende rentre en France. Elle épouse Jacques,
apothicaire du roi, et ils s'installent tous les deux dans une
maison située sur le Petit-Pont, à Paris. Le Petit
Pont avait son entrée dans le Petit Châtelet, sur
la rive gauche, dans le prolongement de la rue saint-Jacques.
Très emprunté, car il était le seul pont
reliant la cité à la rive jusqu'en 1378, il était
donc à péage. Rebâti plusieurs fois en bois
avant de l'être en pierre en 1186, le Petit Pont était
chargé de maisons. Les archives de l'Hôtel- Dieu
ont conservé l'acte d'achat de la maison par Hersende
et Jacques en 1159.
« Nous portons à votre connaissance que, ayant
comparu devant nous, Geoffroy dit Chauvel, citoyen de Paris,
et Jeanne son épouse nous ont affirmé qu'ils avaient,
détenaient et possédaient en propre une maison
située à Paris sur le petit Pont, attenante à
la maison de feu Gautier, apothicaire, d'une part, soumise à
redevance aux abbés des religieux et du couvent de Saint-Germain-des
Près de Paris, imposée, disaient-ils, de 5 sols
parisis de cens principal dus aux abbés et au couvent
du susdit Saint-Germain et de 4 livres parisis de cens augmenté
dues à l'abbé et au couvent de Sainte-Geneviève-du-Mont,
chaque année, ainsi qu'ils le déclaraient ; cette
maison, avec toutes et chacune des parties qui s'y rattachent
dans la mesure où elle constitue un ensemble, « côté
cour et côté jardin », rez-de-chaussée
et étages, longueur et largeur, à l'exclusion
du moulin (dont les mêmes Geoffroy et Jeanne n'ont pas
la jouissance ni leurs héritiers ni ceux qui viendront
après eux) avec son métériel et les étais,
avec l'eau et l'espace qui existent sous ladite maison, tout
cela devant rester en l'état actuel à partir de
maintenant et à l'avenir et pour toujours, [cette maison
donc ] les susdits Geoffroy et Jeanne, ayant pour ce comparu
devant nous, ont reconnu et déclaré publiquement
l'avoir donnée et cédée en toute légalité,
à perpétuité, à Jacques, apothicaire,
à maître Hersende, médecin, son épouse,
à leurs héritiers et aux successeurs, contre 5
sols »...[...]
Acte daté de mai 1259
Extrait des « Archives
de l'Hôtel Dieu de Paris (1157-1300) », p.
534-535, Léon BRIELE, Paris 1894
Traduction de Mme Besson
Cette maison
fut ensuite la propriété de Dame Pétronille,
apothicaire du roi de France. Il semble que cette femme soit
devenue la propriétaire de la maison après la
mort d'Hersende et de Jaques, survenue avant 1299. Le choix
de ce quartier n'est sans doute pas anodin. On peut en effet
constater que non seulement la maison à été
la propriété successivement de deux apothicaires,
dont une femme, mais aussi que la maison voisine était
habitée par un autre apothicaire, Gauthier, décédé
avant 1259. Or, le Petit Pont permet de passer devant la Cathédrale
Notre-Dame et d'accèder à l'Hôtel-Dieu.
C'est sans doute là qu'Hersende et peut-être son
époux travaillaient et il n'est donc pas étonnant
d'observer la présence de plusieurs apothicaires dans
ce voisinnage.
Le
costume d'Hersende s'inspire d'une illustration extraite de
la Cyrurgie (Figure 1).
Figure
1 : Extraite de Cyrurgie,
de Rolando da Parma ou Ruggiero da Parma (1180), illustration
du XIIIème siècle (source du costume)
Figure
2 : Hersende rend visite à un malade
Le
costume comprend une chainse en coton et des chausses en coton
marron clair (Figure 3).
Figure
3 : les chausses d'Hersende
Le coton ( qat-tän : « lin »),
originaire de l'Inde, est une matière courante en Terre
Sainte mais il fait son apparition en Occident dès le
Xème siècle. Le cotonnier fut introduit en Andalousie
et en Sicile musulmane à partir du Magrib et il est mentionné
pour la première fois en 961, dans le Calendrier de Cordoue.
Hersende a donc conservé après son retour dans
le royaume de France des éléments de costumes
qu'elle portait en Egypte comme sa chainse en coton.
Cependant, le climat français plus rigoureux l'a obligée
à abandonner les vêtements légers qu'elle
portait. Ainsi sa robe de coton brodée et ses sandales
de cuir ont été troquées contre une cotte
de fine laine rouge foncé (Figure 2 et 3) et des
chaussures de cuir. Mais elle a choisi le coton pour coudre
des chausses qu'elle ne portait paslà-bas à cause
de la chaleur.
L'ensemble
est complété par un couvre-chef sur lequel est
placé un bonnet hémisphérique, de feutre
marron (Figure 4).
Elle
dispose d'une série d'instruments de chirurgie qui sont
dans la lignée de ceux utilisés par les chirurgiens
arabes et tout particulièrement Abulqacim Khalf Ibn Abbès
Az-zahraoui, dit Abulcasis. Ce chirurgien cordouan aurait vécu
entre 945/947 et 1019/1021 après J-C. Il a laissé
en héritage à ses enfants un ensemble d'ouvrages
consacrés à la médecine, à l'hygiène,
à la beauté, ou encore à la chirurgie,
connu sous le nom de « Tasrif li man ajaza ân
attaalif » ou « Analyse et exégèse
mises à la portée de celui qui ne peut créer
et rédiger ». Le volume XXX consacré
à la chirurgie présente de très nombreux
dessins d'outils dont l'usage est expliqué. Ces dessins
ont servi de source à un travail de reproduction réalisé
par Gaël Fabre.
La
trousse chirurgicale (Figure 5) comprend à ce
jour des outils utilisés lors d'une amputation (une scie,
un couteau à amputer), d'une trépanation (une
tréphine), d'une cautérisation (cautères
à usage externe et interne) ainsi que pour l'extraction
des flèches (pince dite « à bec de
corbin »). Cet ensemble sera bientôt complété.
Figure
5 : de gauche à droite, une scie, un couteau à
amputer, trois cautères, un davier dentaire, une tréphine
et une pince à bec de corbin.
Figure
6 : utilisation de la tréphine - Cyrurgie,
de Rolando da Parma ou Ruggiero da Parma (1180), illustration
du XIIIème siècle
Figure
7 : extraction d'une pointe de flèche à l'aide
d'une pince à bec de corbin - Cyrurgie,
de Rolando da Parma ou Ruggiero da Parma (1180),illustration
du XIIIème siècle
Scènes
de la vie quotidienne d'Hersende
Figure
8 : Hersende note ses observations après une opération
chirugicale
Figure
9 : Hersende soigne une mâchoire luxée
Figure
10 : Hersende prépare des bandages de coton qui maintiendront
des membres fracturés
Son expérience chirurgicale
acquise lors de ces interventions dans les campements militaires
en Terre Sainte lui sert encore en France.
Un
blessé par flèche est amené à l'antenne
médicale par un Frère de l'Hôpital
Déposé
sur une planche, il est ensuite fermement maintenu par ses compagnons
d'armes
Hersende
tente d'extraire la flèche à l'aide d'une pince
à bec de corbin
Hersende a dû débrider
la plaie la pour retirer la flèche très profondément
enfoncée
La
plaie a été enduite d'un emplâtre de graisse
afin de faciliter la suppuration, gage de guérison. Un
bandage est alors posé.
La
flèche était de fort belle taille !
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