Frère
clerc de l’Ordre de l’Hôpital de Saint Jean
de Jérusalem
« Obsequium Pauperum » : le soutien aux nécessiteux
(fin du XIIème siècle)
Le contexte :
La fin du XIIème siècle marque une période
de forte expansion pour l’Ordre de l’Hôpital
de Saint Jean de Jérusalem. Son rôle caritatif est
reconnu jusqu’en Occident où les commanderies de
l’Ordre permettent de répondre à la demande
en vivres et en fournitures des établissements d’Outre-Mer.
Plusieurs hôpitaux existent alors en Terre Sainte (notamment
à Jérusalem et Antioche), ces établissements
accueillent et soignent les pèlerins chrétiens avec
une efficacité et un dévouement unanimement reconnus.
Le soutien du Pape aux œuvres de l’Ordre fait que les
dons (spontanés ou non) en faveur des Hospitaliers affluent.
Depuis le milieu du XIIème siècle, le rôle
militaire de l’Ordre devient de moins en moins négligeable.
Les Frères combattants, bien que leur existence ne soit
pas officiellement reconnue par la papauté, prennent une
importance grandissante dans l’institution.
L’Ordre de l’Hôpital va ainsi rapidement développer
une double vocation, hospitalière et militaire, comme en
témoigne sa devise « Tuitio Fidei et Obsequium
Pauperum » : « Pour la Défense
de la Foi et le Soutien aux Nécessiteux ».
Le personnage :
Il appartient à la classe des Frères clercs de l’Ordre
et à ce titre a droit au Chapitre (il assiste aux assemblées
générales de l’Ordre). Les journées
du Frère clerc sont consacrées à l’assistance
du personnel soignant de l’hôpital (qui sont des salariés
de l’ordre) et sont ponctuées par les messes dites
à heures régulières. Bien qu’il ne
soit pas exclu qu’il accompagne les troupes lors de ses
déplacements, le Frère clerc n’a aucun rôle
militaire.
La reconstitution
de ce costume est basée sur des sources textuelles
(la règle de l’Ordre de l’Hôpital
et les statuts et usances de l’ordre), ainsi que sur
quelques sources iconographiques des XIIème et XIIIème
siècles.
Le personnage évoqué ici est de la fin du
XIIème siècle. Devant la rareté des
sources, il a fallu extrapoler et emprunter des éléments
de l’un et l’autre siècle, en faisant
le postulat que l’habit des frères clercs avait
peu évolué pendant cette période … |
Chainse
et chausses :
Tout
d’abord, le frère revêt ses sous-vêtements.
Aux
braies sont attachées des chausses sans pied,
comme indiqué par les statuts de l’Ordre (1239)
: « item il est usé en nostre maison
que nul frere ne doit chaucier chauses avant-piés ».
Elles sont ici en lin.
La
chainse est simple et longue, ici de couleur blanche,
mais rien n’indique l’absence de couleur
dans les textes.
En revanche, elle doit obligatoirement être
en laine ou en lin, selon la règle de 1154.
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La robe :
Puis, le frère
enfile une robe à large capuche (que l’on
retrouve dans plusieurs ordres religieux, chez les Fransciscains
notamment). Ce vêtement est désigné par « garnache
et supe » (robe et capuche) dans les statuts de l’ordre.
Cette robe est plutôt destinée aux messes et aux
tâches ne nécessitant pas une grande liberté
de mouvement.
Pour les travaux et dans la vie courante, le moine lui préfèrera
un bliaud classique, sans capuche (que l’on retrouve souvent
dans l’iconographie du XIIIème).
Les Hospitaliers
ont adopté des couleurs sombres pour leurs vêtements en
signe d’humilité. La littérature désigne
ces vêtements comme étant « noirs ».
Néanmoins, du fait de l’emploi de pigments naturels
pour la teinture (végétaux comme le brou de noix
ou minéraux comme le charbon) le noir ne gardait pas longtemps
son intensité.
Ainsi, une enluminure
du « Livre des Jeux » d’Alfonso du
Portugal (XIIIème siècle) montre deux moines Hospitaliers
jouant aux échecs, l’un en gris et l’autre
en marron.
Livre
des jeux du roi Alphonse X de Castille (XIIIème siècle)
Madrid Bibliothèque du monastère Saint Laurent
de l'Escurial |
La couleur que
nous avons retenue est un marron très foncé.
La robe des clercs ne porte pas encore à cette époque
de croix sur la poitrine. Cet usage n’apparaîtra qu’à
la fin du XIIIème siècle.
La coupe de la
robe est inspirée de plusieurs enluminures. Elle se caractérise
par une grande ampleur, des manches très longues et une
large capuche terminée en pointe.
Tombeau de Louis de France
(détail)
deuxième moitié du XIIIème siècle
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Historia Ecclesiastica
dernier quart du XIIème siècle |
Le couvre
chef :
Sur sa tête,
le moine met ensuite un petit bonnet, qui doit
être obligatoirement blanc : « il est deffendu
que freres nen ait cuevrechief rechamé, mais tan seulement
blanc » (statuts de 1262). Le terme « réchamé »
signifie « brodé » : toute fioriture
est évidemment prohibée, le couvre-chef doit être
blanc.
Il n’est pas précisé à quoi ressemblait
ce couvre-chef. Nous avons choisi un petit bonnet à quartiers,
réalisé en lin, dont la forme est fréquemment
rencontrée à la fin du XIIème siècle.
La ceinture :
Autour de sa taille,
le frère noue une ceinture de fil. Il
est fait allusion à ce type de ceinture dans un écrit
de 1239 : « Ce sont les choses qui apertienent
au drapier des baillis et de tous freres (suit une énumération),
et saintures de fil ».
Ce terme peut désigner beaucoup de choses : corde
de fils de chanvre, galon tissé, etc. Nous nous sommes
basés sur un statue de la cathédrale de Chartres
(portail XIIème) montrant une ceinture qui pourrait s’apparenter
à ce type. L’interprétation est faite de fils
de laine.
Portail de la cathédrale
de Chartres (XIIeme) |
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L’ « habit » :
le manteau
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Comme
tous les frères de l’Ordre, le clerc
porte « l’habit » c'est-à-dire
le vêtement qui représente l’ordre
de l’Hôpital. Il s’agit du manteau,
donné au frère le jour de sa réception
dans l’Ordre.
Il doit être « noir »
(ici en laine de couleur gris anthracite pour les
raisons évoquées plus haut) et doit
porter la croix blanche. Le manteau doit être
porté à l’extérieur des
enceintes appartenant à l’ordre et
toujours de manière correcte (il doit couvrir
les épaules) |
Sceau
de Garin de Montaigu
Grand-Maître de 1207 à 1228 |
La croix
est de forme grecque très simple (inspirée
de celle de certains sceaux de grands maîtres).
Elle est ici faite en lin et en deux parties.
La croix à huit pointes,
généralement dite « de Malte »
n’apparaîtra dans l’ordre que beaucoup
plus tard et résultera d’une évolution
stylistique (et non pas d’un rappel de la fondation
du premier hôpital par des Amalfitains) : noter
ainsi sur le sceau de Garin de Montaigu que la croix sur
le manteau est grecque alors que celle sur le bandeau
commence à prendre une forme patée préfigurant
la croix à huit pointes …
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Le manteau est fermé
par deux cordons, tissés à la lucette. Ce mode de
fermeture du manteau se retrouve fréquemment dans l’iconographie
(voir pour exemple l’enluminure du Livre des Jeux).
Le « vêtement
blanc » :
Il est fait allusion
à ce vêtement dans la règle de l’Ordre :
« Les clercs doivent revêtir des vêtements
blancs lorsqu’ils servent le prêtre à l’autel.
(…) Lorsque le prêtre va visiter les malades, il doit
être en vêtements blancs et porter religieusement
le corps de Notre Seigneur (…) »
La nature de ce vêtement n'est pas précisée
dans les sources textuelles. Notre préférence s’est
portée vers une chasuble, portée par-dessus les
autres attributs, mais ce vêtement pourrait aussi être
tout simplement une robe blanche.
Frédéric –
Isarn
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