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La fondation de
l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem

Les éléments qui suivent proviennent de l’ouvrage et des documents suivants :

- Aux origines de l’Ordre de Malte, de la fondation de l’Hôpital de Jérusalem à sa transformation en ordre militaire - Alain Beltjens - 1995

- Bulletins de la Société de l’histoire et du patrimoine de l’Ordre de Malte – n° 8, 9, 10, 11, 12, 13.



I - La création du premier hôpital à Jérusalem et la fondation de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem


Le monastère des Latins, l’église Sainte-Marie Latine et le monastère de Sainte Marie-Madeleine
Au milieu du XIIème siècle, Jérusalem appartient au territoire du Calife du Caire, Al-Mostanter-Billah. Afin d’éviter les heurts entre populations de religions différentes, le souverain a octroyé un quart de la surface de la ville sainte aux Chrétiens, moyennant un tribut. Dans ce quartier chrétien se trouve le Saint-Sépulcre.
Les relations commerciales alors florissantes entre le califat et les marchands italiens de la région d’Amalfi font que ces derniers ont souvent l’occasion de visiter les lieux saints. Ils ont alors à plusieurs reprises l’occasion de voir le sort réservé aux pèlerins occidentaux à Jérusalem : après un long voyage épuisant et après avoir souvent été détroussés, les pèlerins arrivent enfin aux portes de Jérusalem où ils doivent payer une pièce d’or aux soldats sarrasins pour pouvoir entrer (nombreux sont ceux incapables de s’acquitter de cet impôt). Là, ils ne trouvent personne qui puisse les héberger et les nourrir, hormis la communauté religieuse chrétienne très restreinte et quelques bonnes volontés. Une fois le pèlerinage effectué, ils errent dans les rues de la ville et sont les proies des brigands en tous genre.
Afin de remédier à cette situation, les Amafiltains obtiennent du Calife la rétrocession d’un terrain dans le quartier chrétien (rétrocession datée d’entre les années 1048 à 1063) et la permission d’y construire à leur guise. Ils y font alors construire, à « un jet de pierre de la porte de l’église de la Résurrection (Saint-Sépulcre) », un monastère (le monastère des Latins) et une église (l’église Sainte-Marie Latine).
Une fois les bâtiments terminés, ils y font venir un abbé et des « moines noirs » (Bénédictins), issus de leur région d’Amalfi. Ces ecclésiastiques ont la mission d’accueillir leurs compatriotes au sein du monastère (contrairement à une idée reçue, la structure fondée par les Amalfitains n’accueille que les ressortissants de la région d’Amalfi, on leur y propose le gîte et le couvert, aucun soin n’est encore prodigué).
Comme les moines du monastère des Latins ne peuvent accueillir des femmes qui font leur pèlerinage, un autre petit monastère est édifié en l’honneur de Marie-Madeleine. Des religieuses bénédictines y sont installées afin d’accueillir les femmes avec, à leur tête, l’abbesse Agnès.

Le premier hôpital


Devant l’affluence des pèlerins leur demandant asile, les Bénédictins du monastère des Latins décident de construire un hôpital et une chapelle dédiée au bienheureux Jean Eleeymon (patriarche d’Alexandrie, responsable de nombreuses oeuvres de piété ; « éleeymon » signifie « miséricordieux »). Les dons des Amalfitains et d’un certain Maurus (un noble d’Amalfi) financent le projet qui est achevé entre 1063 et 1071, ainsi qu’un autre hôpital à Antioche.
Le terme « hôpital » n’a pas la même signification qu’aujourd’hui, puisque le rôle de cette structure est avant tout de nourrir et d’héberger. Néanmoins, la fonction s’élargit puisque l’hôpital est désormais aussi chargé de soigner les pèlerins chrétiens en général, sans distinction de provenance.
Cependant, les moines bénédictins ne peuvent assurer leurs offices religieux et en même temps l’accueil des malades et des pèlerins. Aussi désignent-ils à la tête de l’hôpital un certain Gérard. Les origines de Gérard sont méconnues : il ne s’agit probablement ni de Gérard de Martigues, ni d’un Gérard Teuc, Tunques, ou Tenches (ce nom provenant d’une mauvaise traduction de l’adverbe « tunc » dans un manuscrit : « Gerardus tunc » signifiant « Gérard à cette époque » mais ayant mal été interprété). On sait que Gérard n’était pas de famille noble et qu’il était très certainement lui aussi originaire d’Amalfi. On dit, par ailleurs, que malgré les persécutions des Sarrasins à son encontre, lors de l’approche des armées croisées de Godefroi de Bouillon en 1099, il resta courageusement à son poste. Ceci augmenta encore l’engouement de l’Occident pour l’Hôpital.

Le deuxième hôpital


A la tête de l’hôpital, mais toujours sous la tutelle des Bénédictins du monastère des Latins, Gérard entreprend, entre 1099 et 1113, d’importants travaux d’agrandissement. Plusieurs bâtiments sont ainsi ajoutés au premier hôpital. Les bâtiments formant alors le complexe de l’hôpital sont fréquemment désignés sous le terme de xenodochium (« endroit où on accueille les étrangers »). Gérard fait également construire une église, dédiée à Saint Jean-Baptiste.

La fondation de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem


Gérard travaille sans relâche afin de faire vivre l’hôpital : il organise des collectes en Occident et entretient de bonnes relations avec la papauté. Il devient vite un personnage populaire dont le rôle caritatif au sein de Jérusalem (même avant sa prise par les Croisés) est unanimement reconnu.
Les dons qui affluent sont intégralement reversés à l’organisation de l’hôpital. Néanmoins la structure reste sous la tutelle des Bénédictins du monastère voisin. Cela inquiète Gérard. En effet, qu’adviendrait-il si les « moines noirs » revendiquaient les dons ? si, une fois Gérard décédé, les mêmes moines imposaient à la tête de l’hôpital un des leurs ?... Par ailleurs, un fossé se creuse entre les moines et leurs subordonnés employés à l’hôpital. Les dons et la ferveur sont en faveur de l’hôpital et non du monastère, suscitant la jalousie des Bénédictins. Autant de questions qui poussent Gérard à adresser au Pape Pascal II une requête tendant à placer l’hôpital sous tutelle du Siège apostolique afin de se séparer de l’ordre bénédictin.

C’est ainsi que 15 février 1113, le Pape Pascal II, par la bulle Pie postulatio voluntatis, place Gérard et l’hôpital sous sa tutelle et fonde l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.

Cette bulle ne concerne que Gérard et les bâtiments de l’hôpital. Le monastère des Latins reste bénédictin.
Concernant le monastère Sainte-Marie Madeleine, il semble que les moniales et Agnès se séparèrent également de l’ordre bénédictin. Comme les Hospitaliers qui changèrent alors de saint patron (Jean-Baptiste au détriment de Jean Eleeymon), elles remplacèrent Marie-Madeleine par Marie la Grande et « adoptèrent la même règle pour le service des pauvres » selon Jacques de Vitry dans Histoire des Croisades. Elles vécurent néanmoins sous la règle de Saint-Benoît jusqu’à leur départ de Terre Sainte en 1187. Par la suite, elles vécurent sous la règle de Saint Augustin et furent soumises aux statuts de L’Hôpital.

Le troisième hôpital


Sous le magistère de Raymond du Puy (1122 – 1160), l’hôpital sera encore agrandi. Il pourra accueillir au final environ deux mille malades dans des conditions sanitaires exceptionnelles.

II - L’organisation hiérarchique de l’Ordre et son évolution vers un ordre militaire


Pourquoi l’Ordre est-il devenu militaire ?


Initialement à vocation exclusivement caritative, la structure créée par les Amafiltains a progressivement « glissé » vers une fonction militaire après la prise de Jérusalem par les croisés. Trois raisons expliquent ce fait.
La légitime défense et la défense des pèlerins : de plus en plus puissant et riche, l’Hôpital doit assurer sa propre défense. De plus, la prise en charge des pèlerins signifie aussi leur protection sur les chemins menant à la ville sainte.
La menace d’une invasion musulmane : la sécurité assurée par la présence des croisés à Jérusalem est précaire ; les effectifs armés chrétiens sont peu nombreux.
Les conquêtes territoriales : les successeurs de Gérard n’auront de cesse de vouloir agrandir l’empire immobilier de l’Ordre. Cela passera par des conquêtes et l’entrée dans une phase militaire offensive.

Organisation avant la fondation de l’Ordre (1063 – 1113)


Le monastère dans un premier temps, puis l’hôpital ensuite ont un rôle exclusivement caritatif. La gestion de l’hôpital est assurée par des employés des moines bénédictins voisins, Gérard est l’un de ces employés.
Il est fait mention dans plusieurs manuscrits de dons de chevaux pour les écuries de l’hôpital. En effet, une fois les croisés à Jérusalem, l’hôpital se dote d’une écurie et paye des mercenaires afin d’assurer la défense des pèlerins sur les chemins.

Organisation sous le magistère de Gérard (1113 – 1120)


La gestion de l’hôpital est désormais assurée par les membres de l’Ordre. Il n’est jamais fait clairement mention, sous le magistère de Gérard, d’une organisation hiérarchique.
La situation militaire reste inchangée : les mercenaires assurent la protection des membres de l’Hôpital et des pèlerins.

Organisation sous le magistère de R. du Puy (1122 – 1160)


On distingue, sous le magistère de Raymond du Puy, deux classes de Frères : les Frères clercs et les Frères laïques. Ceux-ci ont droit au Chapitre, c’est à dire qu’ils ont droit de parole aux assemblées de l’Ordre. Les Frères clercs sont chargés de la vie religieuse, alors que les Frères laïques s’occupent de l’hôpital. Il est fait mention également de servants qui, eux, n’ont pas droit au Chapitre.
Contrairement à Gérard, Raymond du Puy est noble et déjà chevalier avant de rentrer dans l’Ordre. Il va faire évoluer l’Hôpital vers une structure martiale. C’est sous son magistère qu’il est fait mention pour la première fois d’un moine soldat : un certain Durand, connétable de l’Hôpital (en 1126). Il semble donc qu’une branche militaire organisée existait déjà ; néanmoins les moines soldats restent peu nombreux par rapport aux mercenaires payés par l’Ordre et leur statut guerrier n’est pas reconnu par l’Eglise. Les Hospitaliers et leurs mercenaires mènent alors quelques sièges de villes qui sont aux mains des Sarrasins.
C’est aussi l’époque où l’Ordre commence à se doter d’ouvrages fortifiés, notamment le Crack des Chevaliers dont Raymond II, comte de Tripoli cède ses droits en 1142.

Organisation depuis le magistère de G. D’Assailly jusqu’à celui d’A. de Portugal (1162 – 1206)


En 1177 (magistère de Roger des Moulins) trois classes de Frères sont définies : Frères clercs, Frères laïques et Frères convers. Les trois classes ont droit au Chapitre. Les militaires sont issus des Frères laïques ou des Frères convers.
Le nombre de mercenaires (Turcopoles surtout) augmente sous Gilbert d’Assailly. On assiste également à une hiérarchisation des militaires avec l’apparition de grades comme Maréchal (second du Grand Maître) ou Châtelain (commandant de forteresse). A cette époque les Hospitaliers participent à des batailles au côté du Roi de Jérusalem (campagne d’Egypte par exemple en 1168). Malgré l’accroissement de la puissance militaire de l’Ordre et sa participation décisive à plusieurs batailles, les autorités pontificales refusent toujours de reconnaître officiellement le rôle militaire de l’Hôpital. Pour la Papauté, l’entretien d’une branche armée au sein de l’Ordre est une « aumône » et doit servir uniquement à la défense des lieux saints, l’Hôpital doit rester un ordre caritatif.

Les statuts de Margat , magistère d’A. de Portugal (1204)


Ce n’est qu’en 1204 (ou 1205, ou 1206) sous le magistère d’Alfonso de Portugal, que le rôle militaire de l’Hôpital est reconnu lors du chapitre général de Margat par la promulgation de statuts spécifiques. Ces statuts changent considérablement la physionomie de l’Ordre puisque les militaires y deviennent officiellement l’élément majeur.
Quatre classes de Frères sont définies :
- Frères chevaliers : militaires ; en général sont chevaliers ceux qui l’étaient déjà avant de rentrer dans l’Ordre, il existe cependant quelques cas d’adoubement au sein de l’Ordre. Ce sont des frères du couvent et ils ont droit au Chapitre,
- Frères sergents d’arme : militaires ; ils ne sont pas d’ascendance noble mais ne doivent être serf d’aucun seigneur avant de rentrer dans l’Ordre. Ce sont des frères du couvent et ils ont droit au Chapitre,
- Frères chapelain : composés de prieurs et de clercs, sont chargés des offices religieux. Ce sont des frères du couvent et ils ont droit au Chapitre,
- Frères d’office : chargés des tâches de nature civile (artisanat et soins aux malades). Ils n’ont pas droit au Chapitre.

III- Quelques éléments sur l’uniforme des Hospitaliers


Extrait de Historia Hierosolimitana abbreviata de Jacques de Vitry (1220 - 1225)

« (...) Un homme d’une vie sainte et d’une religion éprouvée, nommé Gérard, qui avait servi dévotement les pauvres pendant des longues années dans (...) l’hôpital sous les ordres de l’abbé, prit l’habit régulier, après s’être adjoint quelques hommes honnêtes et religieux, puis, fixant une croix blanche sur le côté extérieur de ses vêtements, sur la poitrine*, il fit solennellement profession et s’engagea à vivre selon une règle salutaire et des institutions honorables. »

* le mot original est « pectore », qui peut se traduire par poitrine ou cœur.


Extrait de la Règle de Raymond du Puy

« Tous les frères de toutes les obédiences qui dorénavant se consacreront à Dieu et au saint Hôpital de Jérusalem, devront porter devant leur poitrine la croix sur leurs chapes et sur leurs manteaux en l’honneur de Dieu et de la Sainte Croix. De cette manière, Dieu nous protègera par cet étendard ainsi que par la foi, les œuvres et l’obéissance et défendra notre âme et notre corps ainsi que les âmes et les corps de nos bienfaiteurs chrétiens contre la puissance du diable en ce siècle et dans l’autre. »


Dès la création de l’ordre de l’Hôpital, Gérard a souhaité se démarquer visuellement des frères bénédictins voisins. La croix blanche cousue sur les habits monastiques fait partie intégrante de la règle de l’Ordre. Il n’est jamais fait mention d’une forme particulière de cette croix.

IV - Dons et privilèges accordés à l’Ordre et problèmes avec l’Eglise


Les dons en faveur de l’Hôpital


Les dons en faveur de Gérard et de l’Hôpital sont nombreux et variés et vont aller de pair avec la renommée grandissante de l’Ordre, tout au long des magistères qui vont suivre. On promet aux donateurs le salut de leur âme et des avantages spirituels ; ceci est encore accentué par la création d’une origine mystique de l’Ordre (les Miracula).
Ainsi beaucoup d’écrits font état de dons de chevaux en faveur de l’Hôpital, mais aussi de terres. Ces terres ou territoires peuvent couvrir d’importantes surfaces et portent le nom de « sauveté » ou « salvetat » (beaucoup de noms de villes y font encore référence) ; elles sont délimitées géographiquement par des croix. Ces sauvetés échappent au contrôle du seigneur et il ne peut plus percevoir y d’impôt. Fait intéressant quand on sait que le donateur peut encore habiter sur les terres offertes à l’Ordre.
Les dons de terrains sont tellement importants au début du XIIème siècle que l’Hôpital va créer des structures regroupant les plus proches : les commanderies ou baillies. Plusieurs commanderies forment un prieuré.

De plus, des collectes de fonds sont organisées par les Hospitaliers en Occident. Plusieurs bulles pontificales, adressées aux évêques, abbés et nobles, recommandent le meilleur accueil aux émissaires de l’Ordre dans certaines régions. En effet, les Hospitaliers en quête de fonds n’étaient pas toujours les bienvenus. De plus, certains écrits font mention d’agressions envers des membres de l’Hôpital qui transportaient des fonds récoltés.

Les rapports de l’Hôpital avec l’Eglise


Certains membres du clergé voient d’un mauvais œil la militarisation de l’Ordre, qu’ils perçoivent comme une perversion. Ainsi, malgré les recommandations du Pape, l’accueil des Hospitaliers par les autorités ecclésiastiques locales est parfois frileux, en Occident comme en Orient.
Ainsi, il est fait mention qu’à Jérusalem, les rapports entre le patriarche Foucher et l’Ordre sont tendus. Le patriarche reproche au Pape, dans le courant de l’année 1155, des privilèges accordés à tort et à travers à l’Ordre, le rendant progressivement plus riche, plus puissant et plus indépendant (exonérations d’impôts, défense aux évêques de prononcer une sentence d’interdit à l’encontre d’une église sous l’autorité de l’Hôpital, excommunication d’un Hospitalier impossible …).
Les plaintes des autorités religieuses à l’encontre des Hospitaliers seront nombreuses, mais les souverains pontifes resteront toujours favorables à l’Ordre, tout en essayant d’apaiser les craintes des ecclésiastiques.



V - Les Miracula : les origines miraculeuses de l’Hôpital


Au cours de la deuxième moitié du XIIème siècle, alors que l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem était en plein essor, certains Hospitaliers ont eu l’idée de baser l’existence de l’Ordre sur des miracles afin d’en faire oublier les origines modestes et de délier les cordons des bourses des fidèles.
Les Miracula ont probablement été rédigés entre 1160 et 1170 sous le magistère de Gilbert d’Assailly. Ils se composent de treize manuscrits relatant six miracles. Le principe est d’exploiter des passages de la Bible (dont l’action n’est pas située géographiquement) en situant leur déroulement à l’endroit même où est construit l’hôpital de Jérusalem ou bien de donner à Gérard, fondateur de l’Ordre, des pouvoirs surnaturels.

1 - Le miracle de Melchior 


L’hôpital a été d’abord fondé du temps de Jules César. Un prêtre du nom de Melchior alla voler dans le tombeau du Roi David des pièces d’or. Apprenant ce méfait, Antiochius, représentant de l’Empereur à Jérusalem réfléchit pour savoir comment punir le larcin. Dans la nuit un ange lui apparut et l’emporta au Mont Calvaire devant le Christ. Celui-ci s’adressa à Antiochius en lui demanda de ne pas verser le sang du prêtre. En même temps, le Christ apparut à Melchior et lui demanda de fonder avec l’argent du vol une maison des pauvres, ce qu’il fit.

2 - Le miracle de Zacharie 


Un jour que le prophète Zacharie sacrifiait à Dieu, le Christ lui apparut et lui ordonna de se rendre à Jérusalem avec sa famille afin de prendre la suite de Melchior à la tête de la maison des pauvres. Aussitôt Zacharie partit pour Jérusalem avec sa famille, donna tous ses biens à l’hôpital des pauvres et y servit jusqu’à ce que Julien le Romain lui succédât.

3 - Le miracle de Julien le Romain 


L’empereur Octavien envoya Julien le Romain et quelques autres afin de récolter les impôts auprès des Juifs. Mais une tempête survint et leur bateau alla s’écraser sur les rochers. Seul Julien survécut, grâce à la main de Dieu. Julien, Lui demandant ce qu’il pouvait faire pour le remercier, reçut comme réponse qu’il devait aller servir à l’hôpital des pauvres à Jérusalem. Il se mit en route, fut reçu par Zacharie et lui succéda à la tête de l’hôpital.

4 - Les évènements merveilleux dont la maison de l’Hôpital est le théâtre après la venue de Jésus-Christ 


Plusieurs évènements de la vie du Christ, pour lesquels les évangélistes n’ont pas indiqué d’emplacement, sont resitués dans la maison de l’Hôpital, par exemple la rencontre entre Thomas et le Christ ressuscité qui lui montre ses plaies.

5 - Le magistère de Gérard et le miracle du pain changé en pierre 


Au cours du siège de Jérusalem par les armées de Godefroi de Bouillon, la famine sévit dans l’armée des croisés. Gérard jette alors régulièrement du pain par-dessus les remparts de la ville. Les Sarrasins le soupçonnent d’aider l’ennemi mais attendent de le prendre sur le fait pour l’emprisonner. Il se fait surprendre une nuit en train de jeter du pain aux croisés, mais lorsque les soldats l’attrapent, le pain s’est changé en pierre. Les soldats le relâchent aussitôt.

6 - Le magistère de Raymond du Puy 


Raymond du Puy fut à l’origine d’une extension territoriale importante de l’Hôpital ainsi que de la règle écrite de l’ordre. Ces faits sont quasiment élevés au rang de miracles dans les Miracula.

VI - L’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem du XIème au XIIIème siècle, récapitulatif chronologique et évènements marquants

1048 : Rétrocession d’un terrain aux marchands d’Amalfi à Jérusalem. Fondation du monastère des Latins, du monastère Marie-Madeleine et de l’église Sainte Marie Latine

1063 : Fondation du premier hôpital

1096 : Première Croisade

1099 : Prise de Jérusalem par les Croisés . Deuxième hôpital

1113 : Fondation de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem

1120 : Fondation de l’Ordre du Temple

1144 : Les Turcs s’emparent d’Edesse

1146 : Deuxième Croisade

1171 : Salah-al-Din devient maître de l’Egypte et de la Syrie

1187 : Troisième Croisade. Bataille de Hattin, victoire de Salah-al-Din . Prise d’Acre puis de Jérusalem par Salah-al-Din

1191 : Richard Cœur de Lion reprend Acre

1198 : Fondation de l’Ordre de Sainte-Marie des Teutons (« Ordre Teutonique »)

1199 : Quatrième Croisade

1204 : Statuts de Margat : l’Hôpital devient officiellement militaire

1215 : Cinquième Croisade

1218 : Prise de Damiette par les Croisés (Richard Cœur de Lion)

1221 : Prise de Damiette par les Sarrasins (Salah-al-Din)

1227 : Sixième Croisade

1245 : Septième Croisade

1249 : Prise de Damiette par les Croisés (Louis IX)

1250 : Défaite des Croisés à Mansourah, Louis IX est fait prisonnier

1270 : Huitième Croisade. Mort de Louis IX devant Tunis

1291 : Chute de Saint-Jean d’Acre. Fin des Etats Latins d’Outremer, l’Ordre s’installe à Chypre

VII - La règle écrite de l’Ordre, dite « règle de Raymond du Puy »

La première règle écrite de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem dont on dispose est celle-là. Elle a été rédigée (à l’origine en latin) par Raymond du Puy, deuxième Grand Maître, sous inspiration de la règle orale observée sous le magistère de Gérard. La date de rédaction se situe entre 1145 et 1153.
Bien que de nombreuses ordonnances lui aient été ajoutées afin de la compléter et de répondre à des préoccupations à un moment donné, cette règle ne sera jamais modifiée. Elle est encore en vigueur aujourd’hui.

Cette règle s’inspire fortement de la règle augustinienne, dont elle reprend certains préceptes ainsique des us et coutumes de l’hôpital de Jérusalem ; en revanche, peu d’éléments la rapprochent de la règle bénédictine.

Ceci est la constitution composée par le Frère Raymond
Au nom de Dieu, moi, Raymond, serf des pauvres du Christ et gardien de l’Hôpital de Jérusalem, après en avoir délibéré avec tout le Chapitre, clercs et frères laïques, j’ai établi ces commandements et statuts en la maison de l’Hôpital de Jérusalem.

Comment les frères doivent faire leur profession


J’ordonne, avant tout, que les frères qui se consacrent au service des pauvres promettent à Dieu d’observer avec Son aide trois choses, à savoir la chasteté, l’obéissance aux ordres des supérieurs et la pauvreté. Dieu leur demandera en effet des comptes à cet égard au moment du jugement dernier.

Les droits auxquels les frères peuvent prétendre


Les frères ne peuvent rien réclamer, sinon le pain, l’eau et le vêtement qui leur ont été promis. En outre, leur tenue doit être modeste, car les pauvres de Notre Seigneur, dont nous reconnaissons être les serfs, vont nus. Et il est mauvais que le serf soit orgueilleux et que son seigneur soit humble.

Du comportement des frères, du service des églises et de la réception des malades


Il est décrété que les frères doivent se comporter correctement dans les églises et que leur conversation doit être convenable. Les clercs doivent revêtir des vêtements blancs lorsqu’ils servent le prêtre à l’autel. Le diacre et le sous-diacre et, si la nécessité s’en fait sentir, un autre clerc, doivent remplir ce même service. La lumière doit briller constamment, de jour comme de nuit, dans l’église. Lorsque le prêtre va visiter les malades, il doit être en vêtements blancs et porter religieusement le corps de Notre Seigneur tandis qu’un diacre ou qu’un sous-diacre ou du moins un acolyte le précède en tenant la lanterne avec une chandelle allumée ainsi qu’un goupillon avec de l’eau bénite.

Comment les frères doivent se conduire à l’extérieur


Lorsque les frères se rendront dans les villes ou dans les châteaux, ils ne pourront être seuls, mais ils devront être deux ou trois et ils n’iront pas avec les compagnons de leur choix, mais avec ceux que leur maître désignera ; de plus, quand ils seront arrivés là où ils voulaient aller, ils devront rester ensemble. Rien dans leurs mouvements ou dans leurs habits ne devra offenser les yeux d’autrui, mais ils sont tenus de démontrer leur sainteté. En outre, lorsqu’ils seront dans une église ou dans une maison ou en tout autre lieu où il y a des femmes, ils devront prendre garde à leur chasteté. Aucune femme ne pourra laver leur tête, ni leurs pieds, ni faire leur lit. Que Notre Seigneur, qui habite dans les cieux, les garde en cette manière, amen.

Qui doit collecter les aumônes et comment


Les personnes religieuses parmi les frères, tant clercs que laïques, iront collecter les aumônes des saints pauvres ; lorsqu ‘elle demanderont l’hospitalité, elles devront se rendre à l’église ou chez quelqu’un de vertueux et lui demander, au nom de la charité, de quoi se nourrir et elles ne pourront pas acheter autre chose. Cependant, si elles ne trouvent personne qui leur fournisse ce dont elles ont besoin, elles pourront acheter avec mesure une seule sorte de nourriture qui leur permettra de subsister.

De la recette provenant d’aumônes et des labours des maisons


En outre, les quêteurs ne pourront recevoir ni terre ni gage à l’occasion de la collecte des aumônes, mais ils devront remettre le produit de celle-ci, avec une pièce écrite, à leur maître. Ce denier enverra le tout, également avec une pièce écrite, aux pauvres de l’Hôpital. Le maître recevra le tiers du pain, du vin et de toutes les nourritures de chacune des obédiences ; s’il y a du surplus, le maître le joindra au produit des aumônes et il fera parvenir le tout aux pauvres de Jérusalem avec une pièce écrite.

Quels sont les frères qui peuvent aller prêcher et de quelle manière ?


Les frères, à quelque obédience qu’ils appartiennent, ne pourront aller prêcher ni faire des collectes, sauf lorsqu’ils auront été désignés par le chapitre et le maître de l’église. De plus, les frères ainsi désignés, qui iront collecter, devront être accueillis dans toutes les obédiences où ils se présenteront et ils devront accepter la nourriture que les frères auront décidé de se répartir entre eux, sans pouvoir exiger autre chose. En outre, ils apporteront de la lumière et feront briller celle-ci devant eux dans chaque maison où ils seront hébergés.

Des draps et de la nourriture des frères


Nous faisons ensuite défense aux frères de porter dorénavant des draps de couleur brillante ainsi que des fourrures et des futaines. En outre, ils ne pourront manger que deux fois par jour. Sauf s’ils sont malades ou faibles, les frères s’abstiendront de manger de la viande le mercredi et le samedi ainsi que pendant la période qui s’étend de la septuagésime jusqu’à Pâques. Ils ne se coucheront jamais nus, mais vêtus de chemises de laine ou de lin ou de n’importe quel autre vêtement.

Des frères qui commettent le péché de fornication


On procèdera de la manière suivante lorsqu’un frère – pourvu qu’une telle chose n’arrive jamais ! – aveuglé par les passions mauvaises commettra le péché de fornication. S’il a péché en secret, il devra faire pénitence en secret et s’imposer une pénitence adéquate. Si cependant son péché est connu et prouvé, il sera déshabillé à la vue de tous dans la ville où il a perpétré son crime, le dimanche après la messe, lorsque le peuple aura quitté l’église. Il sera battu durement par son maître clerc si c’est un clerc qui a péché ; si c’est un laïque, il sera flagellé de la manière la plus rude avec des verges et des courroies par un clerc ou par celui que le clerc désignera et il sera exclu de notre compagnie. Ensuite, si Dieu illumine son cœur et s’il retourne à la maison des pauvres et se reconnaît coupable, pécheur et transgresseur de la loi divine et s’il promet de s’amender, il sera accueilli et tenu pendant une année entière à l’écart dans un local réservé aux étrangers. Les frères verront pendant ce laps de temps si son comportement est satisfaisant et ils feront ensuite ce qui leur semblera bon.

Des frères qui se battent avec d’autres frères et leur portent des coups


En outre, lorsqu’un frère se querelle avec un autre frère et que la clameur parvient aux oreilles de l’administrateur de la maison, il sera puni de la manière suivante : il devra jeûner pendant sept jours le mercredi et le vendredi au pain et à l’eau et il mangera par terre sans table ni serviette. De plus, s’il a frappé un autre frère, il devra jeûner pendant quarante jours. D’autre part, s’il quitte volontairement la maison ou le maître auquel il s’est soumis, sans l’assentiment de celui-ci et s’il revient par la suite, il mangera quarante jours par terre et il jeûnera le mercredi et le vendredi au pain et à l’eau ; en outre, il demeurera dans un local réservé aux étrangers pendant une durée égale à celle de son absence, à moins que la longueur de celle-ci n’amène le chapitre à diminuer la peine.

Du silence des frères


En outre, à table, comme le dit l’apôtre, chacun mangera son pain en silence et personne ne pourra boire après complies sinon de l’eau pure. De plus, les frères garderont le silence dans leur lit.

Des frères qui se conduisent mal


Lorsqu’un frère qui se conduit mal aura été admonesté et châtié deux ou trois fois par son maître ou par les autres frères et que, poussé par le diable, il ne voudra ni s’amender, ni obéir, il y aura lieu de nous l’envoyer à pied avec la charte contenant son péché ; néanmoins, une procuration extraordinaire devra lui être donnée pour qu’il puisse venir jusqu’à nous et nous le châtierons. En outre, nous défendons aux frères de battre les sergents qui sont attachés à leur personne, quels que soient la faute ou le péché que ceux-ci auront commis ; le maître de la maison et les frères doivent admettre que la punition soit infligée en présence de tous. Toutefois, la justice de la maison devra être intégralement rendue.

Des frères trouvés en possession de bien propre
Lorsqu’un frère possède quelque bien propre au moment de sa mort et ne l’a pas signalé à son maître de son vivant, on ne célèbrera aucun office divin pour lui et il sera enseveli comme s’il était excommunié. Lorsqu’un frère possède de l’argent à l’insu de son maître et qu’on le trouve sur lui, on fixera cet argent à son cou, puis on le promènera nu dans l’hôpital de Jérusalem ou dans les autres maisons où il demeure. Il sera ensuite battu durement par un clerc s’il s’agit d’un clerc ou par un frères s’il s’agit d’un laïque. En outre, il devra faire pénitence pendant quarante jours et il devra jeûner le mercredi et le vendredi au pain et à l’eau.

Des offices que l’on doit célébrer pour les frères défunts


En outre, nous commandons impérativement le respect d’une règle qui est indispensable pour nous tous et nous ordonnons que l’on chante trente messes pour le repos de l’âme de tous les frères qui meurent dans vos obédiences. Pendant la première de ces messes, chaque frère présent offrira une chandelle avec un denier. Ces deniers seront donnés à Dieu par l’intermédiaire des pauvres. Quant au prêtre qui chantera les messes, s’il n’est pas de la maison, il devra avoir reçu une procuration à cet effet. Lorsque l’office sera terminé, le maître fera une charité à ce prêtre. En outre, tous les vêtements du frère défunt seront donnés aux pauvres. De plus, les frères prêtres qui chanteront les messes, prieront Notre Seigneur Jésus Christ pour l’âme du défunt ; chaque clerc chantera le psautier ; chaque laïque dira cent cinquante Pater noster. Pour ce qui est des autres péchés, fautes et disputes, j’ordonne qu’on les juge au chapitre et qu’on prononce un jugement droit.

Comment les statuts, dont il est question ci-dessus, doivent être rigoureusement observés


Nous ordonnons de la part de Dieu tout puissant, de la bienheureuse Marie, du bienheureux Saint Jean et des pauvres que les statuts, tels que nous les avons écrits ci-dessus, soient observés avec le plus grand zèle.

Comment les seigneurs malades doivent être accueillis et servis


Lorsqu’un malade entrera dans une obédience placée sous l’autorité du maître et du chapitre de l’Hôpital, il sera reçu de la manière suivante. Il devra d’abord confesser consciencieusement ses péchés au prêtre, puis il communiera et ensuite il sera porté au lit et là, comme seigneur, on lui redonnera chaque jour des forces en le nourrissant charitablement de viande, selon les possibilités de la maison, avant que les frères n’aillent manger. En outre, l’épître et l’évangile seront chantés tous les dimanches dans cette maison que l’on aspergera d’eau bénite pendant la procession. D’autre part, j’ordonne que l’on expulse de la compagnie le frère qui, possédant des obédiences dans diverses terres, donne l’argent des pauvres à une personne séculière afin que celle-ci mette sa force à sa disposition pour l’aider à gouverner contre son maître et contre ses frères.

De quelle manière les frères peuvent corriger d’autres frères


En outre, lorsque deux ou plusieurs frères sont ensemble et que l’un d’eux se conduit mal, les autres frères ne peuvent le dénoncer ni au peuple ni au prieur, mais ils doivent d’abord l’inviter à se châtier lui-même ; s’il ne veut pas le faire, ils doivent aller chercher deux ou trois autres frères en renfort pour le châtier. S’il s’amende, ils doivent s’en réjouir, mais s’il ne veut pas s’amender, ils enverront secrètement au maître un écrit dénonçant sa faute. On le traitera suivant ce que le maître et le chapitre ordonneront à son égard.

Comment un frère doit accuser un autre frère


Aucun frère ne peut accuser un autre frère s’il ne peut prouver ce qu’il avance. Et s’il l’accuse sans rien pouvoir prouver, il n’est pas un bon frère et il subira la même peine que celle que l’accusé aurait subie s’il avait pu établir la culpabilité de celui-ci.

Les frères doivent porter sur leur poitrine de signe de la croix


En outre, tous les frères de toutes les obédiences qui dorénavant se consacreront à Dieu et au saint Hôpital de Jérusalem, devront porter devant leur poitrine la croix sur leurs chapes et sur leurs manteaux en l’honneur de Dieu et de la Sainte Croix. De cette manière, Dieu nous protègera par cet étendard ainsi que par la foi, les œuvres et l’obéissance et défendra notre âme et notre corps ainsi que les âmes et les corps de nos bienfaiteurs chrétiens contre la puissance du diable en ce siècle et dans l’autre. Ainsi soit-il.

 

Par Frédéric Giro - décembre 2005

 

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