Page 1 sur 7
Posté : mer. avr. 22, 2009 2:26 am
par medieviste
Décidément on est en plein dedans !
Alors j'ai revu hier le copain qui m'a fait un écu 100 % histo (lattes assemblées par rainures et languettes et collées à la colle d'os et recouvertes de trois couches de toile de lin collées à la colle d'os) : on a testé l'écu en question en usage intensif sans retenir nos coups, mais en frappant uniquement à l'épée, pas d'armes lourdes.
Pour le moment il encaisse bien, mais il y a déjà un début de désolidarisation des lattes à un endroit. Rien de bien méchant pour le moment, mais il est évident qu'un tel montage n'est pas aussi solide que les trois couches croisées connues à l'époque romaine ou mérovingienne... et a fortiori que le contreplaqué moderne.
Le problème est qu'en reparlant avec lui des trop rares écus histo qu'on a retrouvé à ce jour, les lattes sont souvent -majoritairement même- simplement collées bord à bord. Or un tel assemblage n'a aucune chance de tenir plus longtemps qu'un seul combat (et encore !) ; en plus le cuir recouvrant le tout est souvent deux couches de bête parchemin de 1 à 2 mm d'épaisseur, du parchemin comme celui sur lequel on calligraphie, autant dire de la grosse m...e !
Une bataille n'est pas faite d'un seul combat, mais d'une multitude. Une escarmouche ou un affrontement de deux troupes armées sont faits de plusieurs combats. Un tournoi idem.
Bref : la question est : les écus actuellement conservés sont-ils :
1) uniquement des ex votos mortuaires, destinés à 100 % à la parade, à accrocher aux murs ? Je veux bien, ça me rassurerait même, mais en ce cas pourquoi ont-ils des énarmes et guiges ? Et surtout pourquoi ont-ils une garniture matelassée pour protéger le bras s'ils ne sont jamais portés au combat ?
2) des écus de combats ayant servi ou pouvant servir : auquel cas pourquoi nos ancêtres capables de fabriquer des hauberts résistant aux flèches d'arcs, des épées souples et solides pouvant être employées sur plusieurs générations ou des châteaux ayant résisté à plusieurs siècles d'abandon total, n'auraient pas été fichus de fabriquer des écus plus solides que ça ??
Là j'y perds mon latin...
Dernière piste à explorer : Holger Ratsdorf (plus connu sous HR-Replikate) archéologue allemand et reconstitueur émérite m'a parlé il y a trois ans d'un fragment d'écu germanique du XIIIe retrouvé et analysé, où il y aurait eu la technique des trois couches superposées à fibres croisées (le contreplaqué médiéval, quoi !) recouvertes d'un cuir méga monstrueux : un vrai écu de combat solide tel qu'on l'imagine.
Le copain qui m'a fait l'écu parle très bien allemand et va essayer d'entrer en contact avec Holger pour voir ça avec lui plus en détails.
En attendant, débat ouvert, et chacun est libre de l'alimenter avec ses p'tites sources persos (textes, icono, pièces archéo...)
Posté : mer. avr. 22, 2009 2:37 am
par rolland de glabbecke
J'ai toujours voulu m'acheter ce bouquin :

(disponible là :
www.reenactors.de)
Mais je ne parle pas du tout allemand. Du coup, si c'est simplement pour regarder les images, ça m'intéresse nettement moins. Quoique ...
Quelqu'un a t'il déjà parcouru cet ouvrage ? Lu son contenu ?
Vaut-il la peine ? N'y a-t-il aucune explication qui soit valable pour répondre à nos interrogations ?
Posté : mer. avr. 22, 2009 2:45 am
par medieviste
Ben justement mon p'tit Roro, ce bouquin est une bible, mais toutes nos interrogations viennent de là.
C'est la reprise des ouvrages entr'autres d'Ulrich Lehnart qui a également étudié ces écus, mais une synthèse récente et complète.
Certes, le hic est que tout est en allemand, qui plus est allemand technique, mais on comprend l'essentiel et les photos valent vraiment le coup.
Posté : mer. avr. 22, 2009 3:52 am
par Yvan de Tergate
Pareil, j'ai ce bouquin mais je ne peux pas aller beaucoup plus loin que regarder les images et tenter de traduire quelques légendes, ne parlant pas un mot d'Allemand...
Plusieurs remarques à mon message Medieviste. Tout d'abord concernant le parchemin, es-tu certain qu'il s'agisse bien du même cuir utilisé pour l'écriture ? N'est-ce pas un terme utilisé un peu abusivement pour désigner un cuir fin, comme le cuir cru utilisé sur un de tes boucliers. Ce qui serait d'ailleurs bien plus logique. Pourquoi utiliser un cuir aussi travaillé que le parchemin pour mettre sur un bouclier ? Le cuir cru est moins chers, mais surtout incomparablement plus solide.
Tu parles de rembourrage à l'arrière des boucliers archéo. Dans le "Der Mitte-machin chose", il n'y a justement aucune trace de rembourrage. Je n'ai d'ailleurs aucun souvenir d'avoir vu un jour une source montrant clairement ce genre de rembourrage pour notre période. Tu peux préciser ta pensé ou tes sources pour m'éclairer sur la question ?
Enfin, concernent la source dont tu parles avec couches de lattes croisées, qu'est-ce que tu entends par "cuir mega monstrueux" ?

Posté : mer. avr. 22, 2009 4:23 am
par medieviste
Héhé ! Ca en fait des questions, mon cher yvan !
Alors dans l'ordre :
- concernant le parchemin, j'en ai repalré avec Daniel (le copain qui a fabriqué les écus magnifiques de barisart, moi-même et bien d'autres encore) qui a eu des échanges avec une personne (conservateur) d'un des musées possédant lesdits écus : sur plusieurs d'entre eux, c'est bien du parchemin, spécial calligraphie. Aucun doute ! Et ça me surprend autant que toi !
- Le rembourrage : il y en a au moins un : je ne sais plus que lécu c'était (celui du landgrave de Thuringe, de tête, à vérifier) qui est équipé à l'arrière d'un rembourrage qui fait la totalité de la largeur de l'écu, en cuir rembourré avec...on sait pas quoi, filasse, crin, va savoir, mais également les énarmes et guiges encore en place ; sur cet écu, et lui uniquement, les énarmes sont en tissu, une sorte de galon tissé à la carte, à motifs décoratifs, recouvert de cuir fin. Pas si illogique que ça, le galon est très solide à la traction. Tous les autres exemplaires d'érames sont en revanche en cuir fin superposé (3-4 couches cousues ensembles pour rigidifier)
Daniel a réussi récemment à obtenir une photo de l'arrière de l'écu en question, je vais voir s'il peut me l'envoyer.
- cuir méga monstrueux : Holger m'a montré à l'époque un échantillon de ce cuir : on aurait dit un croisement entre du caoutochouc, de la fibre de verre et du cuir tellement c'était à la fois rigide, souple et ultra résistant ! En 4 mm d'épaisseur, donc monstrueux, indéchirable, résistant à la coupe et fort bien à la perforation, mais dont le poids devait être délirant !
Posté : mer. avr. 22, 2009 10:05 am
par le décliqueteur
De mon côté, mon beau-père, ébéniste comptant plus de 50 ans de métier (et militaire retraité), s'est bien moqué de moi, lorsque je lui expliquais ce que j'allais faire du guide que je construisais. Il ne croyais pas une seconde que des boucliers étaient monté en planches bord à bord pour les batailles. Il soutenait en véritable entêté que ça allait céder sous le choc des armes... N'ayant que le gabarit et attendant toujours mon bois, j'avais pas commencé encore, heureusement alors. Mais là, le doute s'installe plus que jamais... Et c'est le beau-père qui va être content... De dire qu'il avait raison finalement !?!?
Le Décliqueteur
Posté : mer. avr. 22, 2009 12:00 pm
par kunz
medieviste a dit : Héhé ! Ca en fait des questions, mon cher yvan !
Alors dans l'ordre :
- concernant le parchemin, j'en ai repalré avec Daniel (le copain qui a fabriqué les écus magnifiques de barisart, moi-même et bien d'autres encore) qui a eu des échanges avec une personne (conservateur) d'un des musées possédant lesdits écus : sur plusieurs d'entre eux, c'est bien du parchemin, spécial calligraphie. Aucun doute ! Et ça me surprend autant que toi !
Bah pour faire tenir la peinture surement ce genre de cuir doit boire plus facilement? et peut être aussi pas souci d'économie à quoi bon mettre un cuir épais qui peut servir à autre chose vu qu'au final il va finir en charpie?
Posté : mer. avr. 22, 2009 1:27 pm
par barisart
Je pense aussi que c'est pour la peinture car si je me souviens bien le parchemin est quand même plus cher que le cuir "normal" à l'époque non? (de tête)
Posté : mer. avr. 22, 2009 3:56 pm
par Joss d'Azincourt
eh ben moi qui voulais en reproduire un, je suis refroidi...
Posté : mer. avr. 22, 2009 4:47 pm
par medieviste
Kunz a dit : et peut être aussi pas souci d'économie à quoi bon mettre un cuir épais qui peut servir à autre chose vu qu'au final il va finir en charpie?
Ben non justement, le cuir fin est plus cher car plus difficile à produire : pour avoir du cuir fin, faut partir d'un cuir épais et l'affiner, c'est la base du tannage !
Et le style parcheminé eszt encore plus dur à obtenir car il y a plusieurs étapes pour y arriver, donc vraiment chérôt !
Posté : jeu. avr. 23, 2009 7:45 am
par barisart
Remarquons qu'admettre que l'on ne sait pas est le commencement de la sagesse.
Une remarque toute simple: ils ont peut être essayé plein de trucs pour se rendre compte que de toute façon le boubou ne tenait pas plus que quelques combats (au mieux). Une très bonne raison pour leur rareté archéologique à mon avis. Car n'oublions pas que NOUS retenons nos coups mais eux...pas!
A mon avis ceux qui nous restent sauf exception doivent être des boucliers d'apparat joute ou autre ce qui explique peut être le choix étonnant du parchemin pour reproduire au mieux les armes du porteur.
Bien sur tout ceci est spéculatif mais tient la route je crois.
Posté : ven. avr. 24, 2009 4:19 am
par bertrand le charpentier
medieviste a dit : Daniel a réussi récemment à obtenir une photo de l'arrière de l'écu en question, je vais voir s'il peut me l'envoyer.
Je n'ai, comme Yvan, aucun souvenir de bouclier archéo ayant rembourrage et énarmes encore en place (dans le Mittelalterliche Reiterschild il n'est question que de suppositions d'après les positions des rivets...), donc je pense qu'on est plusieurs ici à être hyper intéressés si tu peux avoir une telle photo
Pour le reste, je penche en effet entre le bouclier "consommable" et le bouclier "mortuaire", peut-être affublé d'énarmes pour reproduire le véritable bouclier du chevalier, sans avoir besoin de le blinder car il n'aura aucun coup à encaisser dans l'au-delà.
Il est clair que l'utilisation de véritable parchemin à enluminure fait penser à une utilisation uniquement décorative....
Posté : ven. avr. 24, 2009 4:25 am
par Yvan de Tergate
Petite correction Bertrand : dans le Mittelalterliche Reiterschild, il reste sur certains boucliers des petits morceaux d'énarmes. Sur l'un des boucliers, il reste un morceau suffisamment grand et en bon état pour voir qu'il est décoré de petits motifs géométriques.
Pour le rembourrage par contre... Medieviste, l'écu dont tu parles avec rembourrage à l'arrière est bien dans le Mittelalterliche Reiterschild ?
Posté : ven. avr. 24, 2009 4:28 am
par bertrand le charpentier
Ouaip, on a des bouts d'énarmes mais elles ne sont pas entières, tu as raison de corriger.
Posté : ven. avr. 24, 2009 6:29 am
par medieviste
Bon, alors, l'écu en question serait attribué à la famille Weingarten, daté plus ou moins de 1300.
Le gros gros "hic" est que Daniel (le copain qui m'a montré la photo dudit bouclier) a signé un contrat de non diffusion de la photo. Du coup il n'a pas le droit de diffuser la photo.
J'ai déjà eu la chance de la voir, et le rembourrage y est tout à fait similaire à ce qu'on fait nous-mêmes : un bout de cuir avec "quelque chose" en dessous (tissu, crin... on n'en sait rien)
A Bertrand je ne crois pas à la version "bouclier morturaire" à cause justement des énarmes et surtout surtout du rembourrage. Pourquoi s'emm...bêter à fixer un rembourrage sur un bouclier destiné uniquement à être accroché à un mur ?
La question vaudrait aussi pour les énarmes.
Mais d'un autre côté, un assemblage aussi ridiculement fragile fait peur. Utiliser ça en combat, c'est de la folie !
Autre piste : les boucliers vikings sont apparemment réalisés dans la même technique : des planches assemblées bord à bord ; face à une hache, ou même ou coup d'épée, le bouclier vole en éclats.
Et pourtant, tous les exemplaires archéologiques (il ne sont pas légion non plus) sont comme ça.
On y perd notre latin !