Teinture du lin

Sources, techniques, matières...

Modérateur : L'équipe des gentils modos

Avatar du membre
armelle
Messages : 39
Enregistré le : mer. sept. 29, 2004 11:00 pm
Localisation : chateau thierry

dim. févr. 18, 2007 8:36 pm

Il va falloir une fois pour toute abandonner cette notion moderne de confort vestimentaire et admettre qu'il n'y a pas au Moyen-âge de tenu d'été ni de tenu d'hiver. Certe l'hiver on peut rajouter des couches de vêtements pour avoir plus chaud, mais on a retire pas pour avoir moins chaud. Et celà pas qu'au Moyen-âge. De tout temps, dans l'occident, dit civilisé, l'homme s'est couvert le corps entièrement et n'a commencer à montrer ses bras et ses cuisses qu'entre les deux dernières guerres mondiales. Si le paysan du 15 ème siècle est montré travaillant aux champs vêtu de sa simple chemise de lin - ou de chanvre (de couleur naturelle soit dit en passant), peut-être plus par soucis d'aisance dans ses mouvements que pour se prémunir du soleil (remarquez que les femmes gardent leur robe),les nobles et les bourgeois restent couvert pour affirmer leur position sociale. Pour montrer sa richesse, on montre ses habits ! Et plutôt que de d'en changer plusieurs fois par semaine, on multiplie les coupes d'habit qui se supperposent ou on surcharge la coupe du vêtement en métrages de tissu supplémentaires - été comme hiver.
Le Moyen-âge est certe en couleur, mais le blanc est aussi chargé de symbolique et difficile à obtenir de façon naturelle. Le lin à la singularité de pouvoir se blanchir pour en obtenir des toiles immaculées et la laine blanche me direz vous ? Et bien gardons là pour les étoffes à teindre. Nous savons par expérience personnelle que le lin est très difficile à teindre car depuis dix ans nous travaillons, au sein de Virges Armes, sur les techniques de teintures natureles. Les fibres végétales ont aussi la particularité de bien résister aux lavages répétés parceque la fibre gonfle et resserre la trame quand elle est mouillée. D'où l'intérêt de les réserver aux vêtements de corps qui seront plus fréquemment lavés que celui de dessus en laine plus fragile.
Il y aurait encore beaucoup à dire et à préciser sur les conceptions modernes de nos modes de vies d'aujourd'hui comparées à celles des époques de l'Histoire. Ce que j'ai écrit est déjà suffisemment long quand on sait ce qui va suivre concernant le propos de Greg des Bagaudes édité sur le forum de l'oncle Beauje au sujet de la teinture du lin, et que je me permets de diffuser ici !


"Il semble en effet, à lire les réglements de corporation, soit des telliers(fabricants de toiles de lin ou chanvre)ou des teinturiers que la teinture du lin était très rare. Elle n'est jamais mentionnée dans ces différentes sources, par contre on fait référence au blanchiement (et non blanchissage) de ces toiles très souvent: c'est même une source de revenus pour de nombreuses villes comme celle d'Epinal, dont le blanchiement sur prés est un privilège octroyé par l'évêque de Metz depuis 1361: nul ne peut amener de la toile écrue sans la faire blanchir avant de repartir de la ville...La toile blanchie dans cette ville a une blancheur si prononcée qu'on trouve mention de vente d'"Espinalz" sur les foires allemandes, ces toiles sont offertes à tous les gens de marque reçus par la ville...Une ville dont l'économie tourne tant autour de la toile de lin (jusqu'à faire représenter les toiles blanchissant sur les prés ("gravots") sur la vue cavalière de la ville du XVIe siècle, n'aurait pas manquer dans ces réglements de corporation d'imposer des normes de qualités concernant l'art de la teinture (plantes et "drogues" proscrites par exemple car donnant une couleur de mauvaise qualité, comme c'est le cas systématiquement dans tous les réglements concernant l'art de la draperie, pour la laine).

Les différentes mentions d'achat de lin dans les comptes de cours princières montrent d'ailleurs que le lin sert uniquement à tailler les sous-vêtements (braies, chemises, cales...) ou à doubler. Dans les exemplaires archéologiques connus de lin et produits en Occident, ils sont tous pour la plupart blancs, que ce soit la toile retrouvée dans la nécropole mérovingienne de varangéville (54, fouilles de Salin), dans une tombe à St Germain des Prés (cat. S. Desrosiers des tissus du musée de l'hôtel de Cluny, p. 155, n°71), dans le sarcophage du comte de Toulouse de l'an mil, les différentes chemises et aubes conservées (chemise de St Louis à ND de Paris, aubes de Beckett à Sens, de St Hugo à la chartreuse de la Valsainte en suisse, ou celles de l'archevêque de Tolède Ximénez de Rada...) ainsi que toutes les doublures des chasubles brodées, ou bien la toile doublant les brigandines conservées au musée de l'hôtel de Cluny...

Vous allez me dire, pourquoi ne pas teindre le lin mais le blanchir?
eh bien, parce que c'est plus facile....Le lin, le chanvre, le coton, l'ortie...toutes les fibres végétales sont à base de cellulose et ont une structure de fibres très lisses qui ne permettent que difficilement l'"accroche" d'un colorant ou d'un mordant (produit préparant la teinture, sorte d'aimant à couleur)sur la fibre. Il faut passer par un très long mordançage avec un engallage (déposer du tanin sur la fibre qui accrochera ensuite le colorant...) alors que le blanchiement avec l'oxygène qui se dégage des prés avec la rosée, l'action des rayons du soleil et la lumière de la lune, des lessives répétées à la potasse de cendres donnent une toile immaculée, qu'on ne peut obtenir avec de la laine, même si la toison est blanche.

Guenièvre, tu dis avoir teint du lin avec de la garance et de l'alun/crème de tartre: je pense que le résultat que tu as obtenu doit être très pâle (un rose légèrement saumoné) et non le rouge mat saturé que peut donner la racine de cette plante.

La règle semble donc bien être du lin blanc, alors et l'été? et bien l'été, on enlève, pour le peuple, le vêtement de dessus qui est en laine teinte lorsqu'il fait trop chaud pour travailler(regardez les enluminures des différents livres d'heures: les faucheurs de Juin et moissonneurs de Juillet sont en braies ou en chemises blanches !!!). En dehors des paysans, certes, on ne se promène pas en dessous: on porte des vêtements en drap de laine plus légers, on enlève des couches et pour les hommes c'est le moment de montrer ses doublets, on porte pour les bourgeois et la noblesse de la soie fine unie (cendal dans les textes, voire de la futaine)..

Mais à toute bonne régle, il ya des exceptions: la teinture du lin est possible pour quelques couleurs et attestée dans les textes ou dans les trouvailles archéologiques (même si encore aucun vêtement en lin teint n'a été trouvé à ma connaissance). Petit tour de la question:

A l'époque protohistorique, le lin (ou chanvre, ou ortie, bref une fibre cellulosique) pouvait être teint: un tissu en lin broché trouvé en 1890 à Irgenhausen aurait été teint à la myrtille ou au sureau en bleu-lilas (datation C14: âge du bronze, musée national de Zurich, attribution douteuse du XIXe siècle jamais vérifiée avec les moyens modernes actuels)
Cette recette semble encore valable plus tard: on en a trouvé également dans les mines de sel de Halstatt, Pline l'ancien la mentionne à propos de l'art de teinture des Gaulois, un manuscrit du VIIIe siècle (Compositiones ad tingenda musiva pelles et alia) des chanoines de Lucques en Italie mentionne l'emploi des airelles et myrtilles pour teindre. Ces recettes se retrouvent encore dans les recueils de recettes de teinture (manuscrit du XIVe s. de la B.U. d'Innsbrück, "Kunstluch" de Nüremberg du XVe s., "Allerley Maktel" imprimé à Mayence, Nüremberg et Zwickau en 1532...) On peut remarquer que cette teinture en bleu est très localisée, qu'elle ne tient pas longtemps (disparaît très vite à la lumière, vire au gris ou au violet en changeant de pH donc à la lessive...) et qu'elle semble reservée à une production domestique et non dévolue au commerce.

Quelques exemplaires de lin conservés dans nos musées sont de couleur mais ils proviennent généralement d'Orient: toile teinte à reserves (semis de rosettes blanches, scènes religieuses..) à l'indigo en Egypte (toile du Fayoum du VIIe s. (cf. Desrosiers, n° 2, p. 62), voile d'Antinoë du Louvre.

En Allemagne ou en Italie, au XIVe siècle, on commence à imprimer des toiles de lin: un exemplaire est conservé à Paris, musée de Cluny: il s'agit d'un tissu de lin en chevrons (comme le St suaire de Turin) blanc, avec un décor d'oiseaux (grues ou hérons) à longues queues entourés de végétaux imprimés en noir (charbon) à la technique de la planche. Un traité anonyme florentin de 1418-1421 mentionne cette pratique en Italie, sans doute sous l'influence du commerce avec l'Inde et du travail de la soie qui fournit les dessins. Quelques exemplaires similaires subsistent commela toile de Zittau, surtout en Allemagne et Europe du Nord. Il ne s'agit que d'impression et non de teinture.

La teinture en bleu, au pastel , est attestée par la doublure d'un reliquaire du XVe s.(cf. Cardon, cat. d'expo, teintures précieuses de la Méditerranée, musée de Carcassonne) et par un ensemble de toiles de chanvre teintes en bleu pers puis peintes du XVIe s. (Storie della Passione, Gênes)

La teinture en couleur foncée (gris, noirs) est également possible techniquement avec l'emploi de noix de galles ou d'écorces (source de tannin se fixant très bien sur les fibres cellulosiques). Elle est citée dans le traité vénitien du XVe s. (bibl. mun. de Côme avec noix de galles d'Asie mineure, d'Istrie, ou des vieux bains de tannage), dans le "T'bouck van Wondre" (Flandres, 1513) et le "Plictho del'Arte de Tentori" de Rosetti, imprimé en 1548.

Enfin, on trouve une mention de futaine rouge vendue en 1410 dans la Meuse (AD 55, B 1524), elle même affirmée par les recettes de teinture au bois de brésil du "verzino" vénitien, un ouvrage du XVe siècle: pour teindre le lin en "vermeie", il faut 2 onces (50 g) de brésil par livre de toile engallée et alunée (déjà préparée) et on doit passer la toile dans un bain de cendre de lie de vin pour fixer mais l'auteur conseille de la "faire sécher à l'ombre"...on imagine le degré de tenue de cette couleur...

Toutes ces sources sont bien tardives et souvent anectotiques, limitées à la zone italienne où le degré de maîtrise de la teinture atteint des sommets à la fin du Moyen Age. Dans la réalité, il semble bien que la grande majorité des fibres teintes en villes soient toujours d'origine animale: soie ou laine."
Avatar du membre
armelle
Messages : 39
Enregistré le : mer. sept. 29, 2004 11:00 pm
Localisation : chateau thierry

dim. févr. 18, 2007 8:43 pm

Oriabel a dit : La tunique du comte Guillaume dit Taillefer est en lin et coton, teinté en rouge foncé (an mil). Je crois qu'il faut faire attention avec une tendance à la généralisation. Personnellement, ce qui le gêne le plus dans le lin c'est le tombé pour ce qui concerne les vêtements du dessus. Il est certain que la laine est d'un plus bel effet. Mais plus coûteuse. Qu'en était-il pour ceux qui n'avaient pas les moyens ?
Attention, revoyez votre source, la futaine du comte de l'an mil est de couleur naturel ! Ce sont les chausses en drap de laine que portait le défunt lors de son hinumation qui sont rouges.
Pour ce qui est du coût, le lin n'est pas meilleur marché, au Moyen-âge, que la laine ! Cela dépend des qualité des produits. Comme aujourd'hui...
Avatar du membre
armelle
Messages : 39
Enregistré le : mer. sept. 29, 2004 11:00 pm
Localisation : chateau thierry

dim. févr. 18, 2007 9:01 pm

yrwanel a dit : on peut aussi supposer, avec un minimum de logique et de bon sens que le climat doit intervenir dans la diffusion et l'emploi des matières pour s'habiller.

Les fauchés se retrouvaient assez souvent dans du chanvre, plus courant à l'époque que mainenant, ou de la laine de second choix (à ce niveau: voir la tunique de laine de st François d'Assise).
Il est assez logique que dans un climat chaud, on va pas s'emballer dans de la laine mais opter pour des matières plus fraiches, tout comme dans un climat plus rude (ou avec un hiver plus conséquent) on ne va pas se trimballer en "tee-shrit" (ou équivalent méd') en coton ou en lin tout du long de l'année.

Le bassin méditerranéen, de par sa proximité avec les pays fournisseurs, a dû certes plus mettre du coton que le Nord. Vous y ajoutez un climat (très) nettement plus clément...
Et bien sachez qu'il n'est pas du tout idiot de s'emballer avec des vêtements de laine quand il fait chaud (allez faire un tour en Afrique du Nord et voyez les tissus des vêtements traditionnels)! La laine est une matière thermorégulatrice. En transpirant, le corps se refroidit se qui est du meilleur effet quand on a chaud - à conditions que la transpiration puisse s'évaporer au contact de l'air - ce qui est le cas avec la laine ! Nous pratiquons la reconstitution tous les jours de juin à septembre sur notre site DOMUS CASTRI et nous sommes tous vêtus de costumes en laine et nous le supportons. Je dirais même que lors des grandes chaleurs du mois de juillet la chemise de lin portée en dessous est plus inconfortable car la transpiration imbibe le tissu qui ne sèche pas comme le fait la laine. Dans ce cas je préfère porter la laine à même la peau plutôt que le lin. La sensation de fraicheur du lin n'est que subjectif et ne donne pas moins chaud. Là encore nous abordons une notion de confort (absente des conceptions des hommes du Moyen-âge) et non pas des raisons de chaud et de froid mais plutôt une question du "qu'est doux" et du "qui gratte" - question d'habitude à reprendre !
Avatar du membre
armelle
Messages : 39
Enregistré le : mer. sept. 29, 2004 11:00 pm
Localisation : chateau thierry

dim. févr. 18, 2007 9:04 pm

Il est trois heures du matin et si il y a quelques fautes (si, si je les ai vues), vous ne m'en tiendrez pas rigueur je l'espère.
Avatar du membre
vestèinn thorkellson
Messages : 592
Enregistré le : lun. févr. 21, 2005 12:00 am

lun. févr. 19, 2007 3:33 am

débat des plus interessant ... la suite la suite ...:)
||^ hæil se þu ok i huhum goþom||*þor þik þiggi oþen þik æihi  





LE SEAX , LE PLAISIR DE L'HOMME LIBRE (c)Vesteinn 2007
Avatar du membre
yrwanel
Messages : 5715
Enregistré le : jeu. janv. 01, 1970 1:00 am

lun. févr. 19, 2007 4:05 am

Trouvé dans un livre traitant des femmes mérovingiennes, un descrïptif de l'époque concernant l'habillement lors d'une cérémonie d'un homme: "tunique de lin rouge brodée"....

Le débat est reparti pour un tour!

(Les mérovingiennes, Roger-Xavier Lantéri, ed Tempus)
Avatar du membre
louis la brocante
Messages : 9
Enregistré le : lun. févr. 19, 2007 12:00 am

lun. févr. 19, 2007 1:26 pm

Bonjour

Il n'y a pas à tortiller ! La preuve de l'usage du lin coloré dans le vêtement du Moyen âge nous colle aux fesses comme de savoir si le Saint Suaire de Turin est une véritable image du Christ ou celle de mon oncle Nestor. Comment faudra-t-il s'y prendre pour vous faire renoncer à ce petit confort pour peau sensible ! La laine il n'y a que cela de vrai (pour les raisons exposées précédemment) !
Alors concernant "Les Mérovingiennes", il semblerait qu'il s'agisse, après renseignements pris, d'un roman historique.
Au delà de la trame historique, attention à la véracité de tels ouvrages, même s'ils sont assurément bien documentés, cela reste tout de même un roman. Alors, cette descrïption de cérémonie d'habillement ? D'où l'auteur l'a-t-il tiré ? D'un texte d'époque, d'après une iconographie, d'après un tableau du style pompier...
Et quand bien même ! Une et une seule tunique de lin rouge d'époque mérovingienne pour généraliser le fait que dans la deuxième moitié du Moyen-âge on utilise ce type de produit, alors que tout tant à exposer le contraire ! C'est comme si dans mille ans on voulait prouver que l'on portait couramment des pulls en poil de chien (si, si, j'en connais qui l'on fait).
Je pense faire une petite bibliographie d'ici peu pour que vous puissiez creuser le sujet par vous même ! Les questions sont dans les forums mais les réponses sont plus souvent dans les ouvrages spécialisés.

Cordialement
Raoul
Avatar du membre
yrwanel
Messages : 5715
Enregistré le : jeu. janv. 01, 1970 1:00 am

lun. févr. 19, 2007 2:59 pm

thillo a dit : Bah, du moment qu'il y a la source pour le lin rouge dans le bouquin, encore faut il avoir le bouquin pour trouver quelle est la référence que les auteurs emploient lorsqu'ils parlent de lin teint...
Je vais pas re fouiller tout le livre.... mais l'auteur, même si c'est "romancé" a travaillé au départ des sources "mères", soit les écrits trouvés et traduits concernant l'époque mérovingienne.... et surtout retrouvés, vu qu'à l'époque on importait massivement le papyrus venu d'Egypte (un truc que j'y ai appris!) et ue ce genre de produit, en climat humide, cela se garde pas trop + (à l'occasion des évènements: vachement inflammables) + que jusque à présent, c'est une époque un peu "oubliée" de l'histoire...

Du reste, en dessous de chaque châpitre, il cite l'ensemble des sources sur lesquelles il s'est appuyé, et dans certains cas, fait un chapitre complet avec la traduction de la source.

L'auteur est historien et a fait l'Ecole des Chartes.
Je sais pas si sa formation et l'utilisation de "sources mères" sont suffisantes comme indication en reconstituion.

Romancé, peut-être, mais vachement plus étayé que du Jeanne Bourrin, Tirtiaux ou autres auteurs dont je ne citerai pas le nom...

Là-dessus: remarque générale valable pour pas mal de descrïptions de costumes et décoration en tissu: on ne spécifie pas toujours la matière en quoi que c'est fait, sauf quand cela souligne la richesse d'un rang social: il sera décrit abondamment soie, or, perles,velours et autres.... pas obligatoirement le reste (actuellement, c'est pareil!).

J'ai relevé le "détail" du lin teint: je n'en ai pas conclu abusivement que c'était une généralité. Simplement, c'est possible, c'est tout. (et que, sorry, je ne passe pas mon temps ni l'ai accès à TOUTES les sources. Les historiens non plus, du reste!)
Et qu'il est peut être tout aussi faux de prétendre que le lin n'était JAMAIS teint!
Avatar du membre
eodhel
Messages : 1507
Enregistré le : sam. avr. 08, 2006 11:00 pm

lun. févr. 19, 2007 3:00 pm

Là encore nous abordons une notion de confort (absente des conceptions des hommes du Moyen-âge)
Ben voyons !
Des sauvages et des brutes épaisses, et stupides de surcroit, on vous dit...

Il était peut-être simplement plus facile de faire pousser des moutons que de faire pousser du lin ou du coton. Et ça faisait triple emploi : viande, lait (brebis) et laine... Alors que le lin...
<span style="color: #0000ff;">Mediaephile  </span><a href="http://mediaephile.com" target="_blank">http://mediaephile.com   </a> Si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage. S.Guitry
Avatar du membre
yrwanel
Messages : 5715
Enregistré le : jeu. janv. 01, 1970 1:00 am

lun. févr. 19, 2007 3:27 pm

" Le lin, comme la laine, est produit et répandu dans toute l'Europe depuis le néolithique. A l'époue romaine, à part le lin d'Egypte qui jouait le rôle le plus important, nous n'avons connaissance que de l'importation de lin GAULOIS et espagnol, même si elle se faisait sous forme de tissu de lin. Au MA, on perd sa trace. Elle devient une industrie dometique, la production ne dépassant pas les besoins personnels et le troc primitif (pour info, l'auteur est hongrois et parle donc de son pays: => parle des importations de son pays, pas du commerce général du MA, dont on sait que Flandres, Champagne, etc...cultivaient et traitaient le lin pour exportation..."

Pour la France: la Champagne devient productrice de futaine (mi-coton, mi-lin) à partir de du XIIème (suite aux croisades) et se diffuse dans d'autres centres dont en Allemagne.

référence: Evolution des techniques du filage et du tissage du MA à l'époque indutrielle, Walter Endrei, ed Mouton.

OK, vrai que l'auteur, comme le titre l'indique, passe plus de temps à décortiquer filage et tissage. Il reste en matière d'étude de la fabrication du tissu une autorité en la matière.
Avatar du membre
armelle
Messages : 39
Enregistré le : mer. sept. 29, 2004 11:00 pm
Localisation : chateau thierry

lun. févr. 19, 2007 4:04 pm

L'archéologie ne nous livre pas à ce jour de lin teint faisant fonction de vêtement. Les vêtements mérovingiens les mieux conservés (nous avons vraiment très peu de documents sur le sujet, tant en corpus, qu'en iconographie ou en archéo) sont ceux de la reine Bathilde et de l'abbesse Bertille et se trouvent à Chelles. Et là aucun lin teint. De plus la laine donne un rendu de teinture tellement satisfaisant qu'il serait peu intéressant d'aller voir une autre matière plus difficle à teindre.
On a tendance aujourd'hui (progrès oblige, on ne se refait pas) à penser que l'homme du Moyen Age mais aussi celui de la forêt amazonienne ou de Sibérie a par nature la même conception du monde, du bien et du mal et du toutiquenti que nous ! Et bien pourtant, regardons un peu autour de nous : les populations des pays chauds ne sont pas tous en maillot de bain. Les berbères, les afghans, ...sont habillés de laine même en plein été. Le vêtement sert à se protéger : contre le climat (les coups de soleil peuvent être mortels ou bien un simple chaud et froid), contre l'environnement (un paysage non défriché), contre les regards (et oui, Coco Chanel a fait scandale en son temps). Il a aussi un message social fort au Moyen Age et doit être le reflet de la situation de chacun (ce qui n'a guère changé aujourd'hui). Le fait de s'habiller n'est pas forcément compatible avec le confort et ça tout le monde en fait l'expérience au moins une fois. Il suffit parfois de regarder les costums folkloriques ou ceux de cérémonie pour s'en convaincre (vive la mariée..). Et un noble, comme un PDG ou un Cadre sup est toujours dans une forme de représentation quand il est en société (et on les voit pourtant pas en short l'été). N'oublions pas que le Moyen AGe est porteur de symboles dans la représentation visuelle (voir Pastoureau). Notre société voit dans la liberté physique une forme de liberté mais c'est un mouvement extrèmement récent. Avant les vêtements étaient très codifiés (suivant les ages de la vie, les évènements, les métiers...). Le XXème a fait changer les mentalités en profondeur sur ce sujet. Pourtant, au mois d'octobre, il y a toujours des femmes qui mettent leur manteau de vison sur la côte d'azur (il y fait 15 degré)! c'est du vécu.
Un vètement n'a pas la même valeur au Moyen Age et aujourd'hui et on ne lui demande pas la même chose. On lui demande d'être accessible (en prix et en fabrication) et solide. Comme le paysan croisant les chevaliers habillés de soie se moque d'eux car lui porte une tunique de chanvre nettement plus solide (et tant pis si elle est moins confortable). Puisque l'habit est précieux, sa qualité est d'autant plus soignée pour durer.
Evitons d'affirmer en prenant nos sentiments et nos conceptions comme valeur universelle. Nous sommes surement très loin de la pensée de l'homme du Moyen Age. Alors, à savoir s'il supportait la laine en été......
Ceci dit en passant, les tissus du XIV retrouvés à Londres font entre 6 et 24 fils au cm. Pour le 24 fils, faites vous un dessin pour donner une idée de la finesse du tissu. La laine peut être aussi fine qu'une chemise de coton, sans peluches et d'un tissage si serrée que l'on ne peut par faire la différence....
Avatar du membre
oriabel
Gentil Modo
Messages : 8753
Enregistré le : mer. mai 19, 2004 11:00 pm
Localisation : Saint-Maur-des-Fossés

lun. févr. 19, 2007 4:12 pm

armelle a dit : La laine peut être aussi fine qu'une chemise de coton, sans peluches et d'un tissage si serrée que l'on ne peut par faire la différence....
Là c'est un souci...Nous sommes en effet trop dépendants des tissus disponibles sur le marché, ce qui nous influence considérablement dans notre conception du tissu médiéval, et faussement...A Chelles, il y a beaucoup de soie, tissée pour faire des galons mais aussi pour un manteau d'une finesse arrachnéenne...Comment avoir accès à de tels types de textiles de nos jours ?
Prez, Lumière des Lumières, Sancta Domina, Muse du Savoir Médiéval et Chantre de la Reconstitution, Katochka !
Avatar du membre
louis la brocante
Messages : 9
Enregistré le : lun. févr. 19, 2007 12:00 am

lun. févr. 19, 2007 5:31 pm

Eodhel a dit : Ben voyons !
Des sauvages et des brutes épaisses, et stupides de surcroit, on vous dit...

Il était peut-être simplement plus facile de faire pousser des moutons que de faire pousser du lin ou du coton. Et ça faisait triple emploi : viande, lait (brebis) et laine... Alors que le lin...
Salut

La rusticité des moeurs n'est pas un signe de stupidité ni de sauvagerie et celle-ci est effectivement subjective. Et quand je dis que le confort est une conception absente chez l'homme du Moyen-âge, je parlais de notre conception moderne du confort bien évidemment ! D'ailleurs Armelle l'explique très bien !

Cordialement
Avatar du membre
louis la brocante
Messages : 9
Enregistré le : lun. févr. 19, 2007 12:00 am

lun. févr. 19, 2007 5:43 pm

Oriabel a dit :

Là c'est un souci...Nous sommes en effet trop dépendants des tissus disponibles sur le marché, ce qui nous influence considérablement dans notre conception du tissu médiéval, et faussement...A Chelles, il y a beaucoup de soie, tissée pour faire des galons mais aussi pour un manteau d'une finesse arrachnéenne...Comment avoir accès à de tels types de textiles de nos jours ?
Bonne Nouvelle

Nous proposons à discrétion des tissus de laine fine et des soies assez proches de ceux que nous évoquons dans les précédents propos (néanmoins pas du 24 fils au cm). Ceux ci proviennent de nos surplus et nous en proposerons quelques pièces à la vente sur notre stand au marché historique de Pontoise en avril prochain. Ces mêmes produits seront présentés courant printemps - été 2007 sur notre site Internet www.virgesarmes.com. Vous pouvez dèjà nous contacter pour des renseignements complémentaires sur ces produits - mail@virgesarmes.com et virges-armes@wanadoo.fr ou au 03 23 83 73 69 !

Cordialement
Avatar du membre
yrwanel
Messages : 5715
Enregistré le : jeu. janv. 01, 1970 1:00 am

mar. févr. 20, 2007 5:52 am

faut pas rêver, actuellement, nous obéissons aux mêmes "régles" vestimentaires qu'au MA....inconsciemment (et encore)!
Les "codes" ou "significations symboliques" ont changé, certes, mais pas le principe...
Il existe des études sur les "modes" des jeunes et les "messages et appartenances" que le vétement véhicule (un exemple parmi d'autre: les gothiques...). mais les adultes sont pareils!
Le vétement véhicule: appartenance sociale, mais aussi où, comment la personne se situe dans sa "tranche sociale"; appartenance "culturelle", appartenance de lieu, etc...
Je ne sais si cela existe (et cela me ferait plaisir si qq'un a l'info!) uné étude entre l'évolution du vétement féminin au travers des siècles et celui du statut de la femme dans la société. Cela dépasse le MA, quoique pas tant que cela, finalement. 1000 ans, c'est pas rien!

Sur le plan "purement technique" de la confection de tissu (et sur base de reconstituion en archéologie expérimentale textile):
le "6 fils" au cm correspond à un filage et donc un tissage "de base", avec une qualité de laine "moyenne" (bref de la toison de mouton "tout-venant")
le "24 fils" nécessite des toisons à méche très longue ( 20 à 25 cm: donc de qualité...), des fileuses très professionnelles et il faut compter 6 fileuses pour un tisserand (vu la densité des fils: temps d'ourdissage plus long, enfilage du métier et rendement de tissage au mètre plus long), un métier à tisser à cadres donc professionnel, ET un traitement de la laine complexe comprenant le foulage (destiné à resserrer le tissu) et des tondeuses de drap (entre autres). Bref, c'est du tissu au total, vu le nombre de professionnels et leur qualification + coût de la laine de base, plus coûteux.

Osprey, dans son livre sur Azincourt, précise que, actuellement, on a perdu pas mal de savoir-faire en matière de tissage, et que, actuellement, même avec les machines, on n'arrive plus à obtenir la qualité de certains tissus du MA.

Question lin: force est de reconnaître un solide "recul" technique. Pour la fin XIVème et XVème, quand on voit sur les tableaux la finesse du tissu des coiffes, souvent en lin (et je parle même pas des tissus égyptiens et coptes dont on a trace archéo), on en est loin!

Quant aux traces archéo textiles, Armelle, faut faire avec ce qu'on a trouvé!....
Et ces très rares traces archéo en regard de la consommation logique de vétement de la population moyenne ne sont pas forcément représentative statistiquement de la réalité générale de l'époque.
On sait que les paysans s'habillaient de chanvre et de tissu d'ortie. Des textes, pas très nombreux vu que les écrits ne se penchaient pas vraiment sur le vulgus (majoritaire!!), l'attestent, mais ne précisent pas l'importance d'utilisation.
Traces archéo de ces tissus? approximativement nulles!

Donc, là, on est dans le brouillard total! Y compris si c'était teint ou pas, même si la teinture sur des fibres végétales est moins saturée que sur de la laine.
Répondre

Retourner vers « Réalisation du costume civil »