Les apparences de l’homme Penser l’objet et l’ornement corpo

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yrwanel
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jeu. avr. 15, 2010 5:21 pm

Civilisations vol. 59 (2)
A paraître en décembre 2010

"Les apparences de l’homme
Penser l’objet et l’ornement corporels"

Numéro coordonné par Gil Bartholeyns


Ce numéro de Civilisations s’efforce de repenser l’esthétique
corporelle en s’attaquant à quelques obstacles qui empêchent sa
compréhension au niveau des sociétés humaines en général.

Premier de ces obstacles, l’opposition tacite entre « parure » et «
vêtement » sépare improprement les ethnologues classiques et les
historiens : à objet illusoirement différent, domaines de
spécialisation illusoirement distincts. Ces notions recouvrent en
outre fort mal les catégories en usage à travers les cultures et le
temps. Par exemple, le cultus des auteurs latins regroupait le
vêtement et les bijoux, l’ornatus comprenait l’ensemble des soins de
beauté, réunissant le maquillage et les cheveux. Le rapprochement
possible entre les spécialistes ne passe pas par une taxinomie
descrïptive globale des interventions et des artefacts corporels comme
cela a déjà été tenté. Il dépend plutôt d’un niveau conceptuel
supérieur – que ce numéro souhaite promouvoir – celui des « cultures
de l’apparence ». Ce niveau d’analyse est possible en dépassant un
second obstacle.

Deuxièmement en effet, des propos de Claude Lévi-Strauss sur la nudité
au magazine Géo consacré aux Parures du monde (2005) en passant par
l’universelle Histoire des mœurs (1990) domine une lecture des
apparences humaines selon le couple nature-culture, et de ce fait
même, selon les oppositions animal-humain, nu-civilisé. Une telle
lecture place la plupart des travaux dans le sillage des vielles
représentations européennes de l’autre. Pour l’étude du tatouage, du
marquage, de l’objet textile, du masque, et en fait de toute
transformation physique, cette distinction, dont la majorité des
sociétés fait l’économie, gagne a être remplacée par une autre,
présente dans toutes les cultures, à savoir la distinction entre
extérieur et intérieur, corps et intention, quels que soient leurs
noms, leurs facultés, leur nombre. On se situe bien sûr ici dans la
lignée du changement de paradigme proposé par l’anthropologie de la
nature et de la figuration développée entre autres par Philippe
Descola et Eduardo Viveiros de Castro. L’intervention sur le corps
sert moins à arracher l’individu à un hypothétique état de nature qu’à
inscrire la personne (et à travers elle la société) dans le monde et
le cosmos. Et l’ordre et les qualités que les sociétés attribuent aux
êtres et aux choses, y compris aux matériaux, expliquent largement les
pratiques, les productions, les conceptions locales et historiques des
apparences. C’est ce que montrent par exemple aussi bien l’ordre
biblique de la Création, que la raison mythique de l’ornement chez les
Orokaiva de Nouvelle-Guinée, ou les masques à transformation des
Yupiit d’Alaska.

Troisièmement, une fois l’ethnocentrisme écarté, il reste un
anthropocentrisme de fond. Ce biais consiste dans la vision arbitraire
du vêtement comme « propre de l’homme », articulée traditionnellement
sur les critères de la raison et de la pudeur, alors qu’aucune
définition technique ou fonctionnelle (protection, parure, leurre…)
n’exclut tous les cas animaux en restant valable pour l’homme en
général. On peut donc penser et étudier le fait ornemental et
vestimentaire chez l’homme sur un plan éthologique, comparatif. Dans
cette direction, il faut se rappeler qu’André Leroi-Gourhan concevait
la parure et le vêtement humains dans le cadre d’une réflexion
zoologique sur les dispositifs relationnels entre espèces et entre
individus d’une même espèce.

Croisant les regards historiens et anthropologiques, c’est à une telle
reprogrammation que le volume entend s’attacher en proposant des
études de cas et des contributions plus épistémologiques. Les textes
porteront un regard critique sur les façons actuelles de
conceptualiser l’objet et l’ornement corporels, en histoire ou en
sciences sociales.


(http://calenda.revues.org/nouvelle14878.html)
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