Posté : jeu. mai 03, 2007 2:00 am
Le sujet sur les Capuchonnés avait débuté dans un autre topic, je met ce que j'ai trouvé ici, car ça limite le HS.
[...] une agitation venue du monde des artisans et des revendeurs. Celle-ci a fait une éruption brusque, inquiétante, au Puy dans l’hiver de l’année 1182. Un charpentier, un homme de labeur manuel, illettré, laid, demeuré, de surcroît marié et père de famille, a vu apparaître la Vierge ; il a reçu d’elle un signe, et l’ordre de prêcher la paix. Une secte aussitôt s’est agrégée à sa personne. Elle a grandi en quelques mois. Elle eut bientôt sa caisse – car les adhérents n’étaient pas des miséreux, mais des fabricants, des commerçants dont les troubles de la guerre chevaleresque certes gênaient les affaires, gens d’épargne cependant, qui chez eux gardaient des deniers, pouvaient payer un droit d’entrée, acheter les insignes de la confrérie, verser leur quote-part. On les reconnaissait à leur vêtement, qui était symbole de purification volontaire : un chaperon de laine blanche. C’étaient en effet des pénitents, qui s’interdisaient de jouer aux dés, de jurer en vain, qui renonçaient entre eux à toute vindicte, de promettaient une aide mutuelle. Des adeptes de la charité et de la pureté, mais en armes : ils s’engageaient à se lancer tous ensemble, pour répondre à l’appel de la Vierge, contre les fauteurs de guerre. […] Les Capuchonnés ramenèrent un soir au Puy la tête coupée d’un chef de bande. Mais bientôt, par une déviation rapide, inévitable, la secte se mit à contester l’ordre social. En son sein, dans les postures de pénitence qu’elle imposait à ses membres et sous son habit, le même pour tous, qui masquait les différences de condition, toutes les distinctions terrestres se trouvaient abolies : les enfants de Dieu ne sont-ils pas tous libre et égaux entre eux,, comme ils l’étaient aux premiers jours du monde, comme ils le seront dans les gloires de la Parousie ? Pourquoi payer les taxes aux seigneurs ? Elles sont le prix d’une protection que les hommes de guerre, on le voit bien, ne sont plus capable d’assurer. Et puisque le peuple est armé désormais, et qu’il peut se défendre lui-même, pourquoi continuerait-il à entretenir par les redevances seigneuriales l’ordre des chevaliers qui ne remplit plus sa fonction ? Rappelant que la fin des temps approchait et qu’il fallait se préparer, le mouvement des Capuchonnés pris l’offensive contre les privilèges injustifiés. Ceux des hommes de guerre et de prière. Aussitôt la secte montra aux gens qu’elle menaçait son vrai visage. Subversif, grimaçant. Pour tous les chanoines, ces seigneurs, l’association pour la paix devint une engeance démoniaque, dont les chapes blanches cachaient mal la noirceur. Et contre elle, les prêtres, cette fois appelèrent au secours les chevaliers, ces autres seigneurs, qui tous, aussitôt, bons ou mauvais, les entendirent, oubliant toute autre discorde, ne songeant plus qu’à soutenir l’édifice social qui maintenant branlait sur ses bases. Les évêques engagèrent sans délai une action militaire contre les faux confrères de la paix, pervertis ; ils partirent, l’épée à la main, exterminer cette pestilence, toute pourrie de miasmes hérétiques.[...]
Extrait de « Le dimanche de Bouvines » - Georges Duby – pages 116 – 117 –118 (édition Folio Histoire)
[...] une agitation venue du monde des artisans et des revendeurs. Celle-ci a fait une éruption brusque, inquiétante, au Puy dans l’hiver de l’année 1182. Un charpentier, un homme de labeur manuel, illettré, laid, demeuré, de surcroît marié et père de famille, a vu apparaître la Vierge ; il a reçu d’elle un signe, et l’ordre de prêcher la paix. Une secte aussitôt s’est agrégée à sa personne. Elle a grandi en quelques mois. Elle eut bientôt sa caisse – car les adhérents n’étaient pas des miséreux, mais des fabricants, des commerçants dont les troubles de la guerre chevaleresque certes gênaient les affaires, gens d’épargne cependant, qui chez eux gardaient des deniers, pouvaient payer un droit d’entrée, acheter les insignes de la confrérie, verser leur quote-part. On les reconnaissait à leur vêtement, qui était symbole de purification volontaire : un chaperon de laine blanche. C’étaient en effet des pénitents, qui s’interdisaient de jouer aux dés, de jurer en vain, qui renonçaient entre eux à toute vindicte, de promettaient une aide mutuelle. Des adeptes de la charité et de la pureté, mais en armes : ils s’engageaient à se lancer tous ensemble, pour répondre à l’appel de la Vierge, contre les fauteurs de guerre. […] Les Capuchonnés ramenèrent un soir au Puy la tête coupée d’un chef de bande. Mais bientôt, par une déviation rapide, inévitable, la secte se mit à contester l’ordre social. En son sein, dans les postures de pénitence qu’elle imposait à ses membres et sous son habit, le même pour tous, qui masquait les différences de condition, toutes les distinctions terrestres se trouvaient abolies : les enfants de Dieu ne sont-ils pas tous libre et égaux entre eux,, comme ils l’étaient aux premiers jours du monde, comme ils le seront dans les gloires de la Parousie ? Pourquoi payer les taxes aux seigneurs ? Elles sont le prix d’une protection que les hommes de guerre, on le voit bien, ne sont plus capable d’assurer. Et puisque le peuple est armé désormais, et qu’il peut se défendre lui-même, pourquoi continuerait-il à entretenir par les redevances seigneuriales l’ordre des chevaliers qui ne remplit plus sa fonction ? Rappelant que la fin des temps approchait et qu’il fallait se préparer, le mouvement des Capuchonnés pris l’offensive contre les privilèges injustifiés. Ceux des hommes de guerre et de prière. Aussitôt la secte montra aux gens qu’elle menaçait son vrai visage. Subversif, grimaçant. Pour tous les chanoines, ces seigneurs, l’association pour la paix devint une engeance démoniaque, dont les chapes blanches cachaient mal la noirceur. Et contre elle, les prêtres, cette fois appelèrent au secours les chevaliers, ces autres seigneurs, qui tous, aussitôt, bons ou mauvais, les entendirent, oubliant toute autre discorde, ne songeant plus qu’à soutenir l’édifice social qui maintenant branlait sur ses bases. Les évêques engagèrent sans délai une action militaire contre les faux confrères de la paix, pervertis ; ils partirent, l’épée à la main, exterminer cette pestilence, toute pourrie de miasmes hérétiques.[...]
Extrait de « Le dimanche de Bouvines » - Georges Duby – pages 116 – 117 –118 (édition Folio Histoire)
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