ven. déc. 09, 2005 1:39 pm
De nouvelles formes poétiques
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La poésie des trouvères voit naître un lyrisme non courtois, et amorce une évolution vers une poésie de l'expression personnelle, dans laquelle Rutebeuf et plus tard François Villon excelleront. La chanson d'amour se voit également adaptée à des thèmes religieux, la dame devenant la Vierge Marie, par exemple dans les poèmes insérés par Gautier de Coincy dans ses Miracles de Notre-Dame.
L'amour terrestre est traité avec sensibilité, en privilégiant le coeur plutôt que l'esprit, dans de petits drames de genre aux motifs très répétitifs que l'on nomme "chansons de femme", même si l'auteur est souvent un homme, car ils mettent en scène un "je" féminin : chansons de "mal mariée", "chansons d'ami" (dont on déplore l'absence ou la trahison, dont on anticipe la venue, etc.), "chansons de toile" (dans la strophe initiale une jeune femme noble est occupée à des travaux d'aiguilles, ou "lit en un livre" comme la Belle Doette, puis le poème évoque ses amours contrariées), "chansons d'aube" (qui narrent le réveil d'amants surpris par l'aube et le cri du guetteur, et malheureux de se séparer), pastourelles (qui racontent la rencontre entre un chevalier et une bergère, plus ou moins facile, mais toujours habile, et la joute langagière et/ou érotique qui s'ensuit), etc.
Les trouvères contribuent donc à diversifier les genres lyriques, en introduisant de nombreuses formes à refrains (par exemple des "chansons à danser", comme les ballettes, rondeaux, virelais) ainsi que les mètres utilisés : octosyllabes et décasyllabes dominent toujours, mais on s'autorise les mélanges de mètres variés selon des schémas repris à chaque strophe.
Belle Doette (XIIe siècle)
Belle Doette à la fenêtre assise,
Un livre lit qui au cœur ne la tient;
De son ami Doon lui ressouvient,
Qui loin ailleurs est allé en tournoi.
Et ore en ai deuil.
Un écuyer, aux degrés de la salle,
Est descendu, a détaché sa malle.
Belle Doette a descendu les marches
Ne pensant pas ouïr triste nouvelle.
Et ore en ai deuil.
Belle Doette alors lui demanda :
Où est Doon que je n'ai vu de longtemps ?
Lui eut tel deuil que de pitié pleura.
Belle Doette aussitôt se pâma.
Et ore en ai deuil.
Belle Doette alors debout dressée
Voit l'écuyer, vers lui s'est dirigée.
En son cœur est dolente et en souci
Pour son seigneur qu'elle n'aperçoit mie.
Et ore en ai deuil.
Belle Doette à demander se prit :
« Où est mon sire à qui tant d'amour doit? »
- Par Dieu ne puis, dame, plus vous céler:
Mort est mon sire, occis fut au joûter.
Et ore en ai deuil.
Belle Doette à son deuil s'est donnée :
"Ah ! quel malheur, comte loyal et noble !
Pour votre amour je vêtirai la haire,
Et sur mon corps n'aurai pelisse vaire.
Et ores en ai deuil.
Pour vous deviendrai nonne en l'église Saint-Paul.
Pour vous ferai une telle abbaye :
Quand jour sera de fête proclamée,
Si quelqu'un vient, en amour infidèle,
De ce moutier ne trouvera l'entrée.
Et ore en ai deuil.
Pour vous deviendrai nonne en l'église Saint-Paul.
Belle Doette a fondé son moutier
Qui moult est grand et deviendra plus grand.
Celles et ceux y voudra attirer,
Qui pour amour savent peine et malheur.
Et ore en ai deuil :
Pour vous deviendrai nonne en l'église Saint-Paul.
La oule, c'est cool... la fonte, c'est la honte... le verre c'est la misère.