Pour compléter l'intervention de mon Furet préféré
Les sites côtiers, ou éperons barrés, sont en effet réoccupés à partir du IIIe siècle dans certains cas et au Haut Moyen Age pour d'autres. C'est à temporiser cela dit. A ce jour on a finalement peu de preuves archéologiques pour ces réoccupations alto-médiévales en Bretagne. D'un côté tu as les forteresses du
Tractus armoricanus, le réseau de défenses romain contre les pirates germaniques, s'étendant de la Belgique à l'Aquitaine. Pour la région qui t'intéresse cela comporte Brest (la plus imposante) et le Yaudet (Vetus Civitas/Coz Civit) chez les Osismes, Alet en territoire curiosolite, et Vannes (Venetis) chez les Vénètes qui est une ville fortifiée. On peut compléter cette liste par des localisations probables : le promontoire de Cesson près de Saint-Brieuc (le nom de Cesson faisant référence aux Saxons), Morlaix comme tu l'indiques, Saint-Pol-de-Léon ou Roscoff si l'en on croît la vie de Pol Aurélien, Castel-Coz et Castel-Meur en Cap Sizun.
Certains de ces sites étaient sans doute occupés au Haut Moyen Age également : c'est une assurance pour le Yaudet qui a fourni des vestiges montrant une occupation continue de la fin du IVe aux IX-Xe siècles (et une occupation discontinue avant et après du paléolithique à nos jours !). Cette forteresse contrôlait l'embouchure du Léguer. Les deux éperons barrés du Cap Sizun mentionnés ci-dessus ont livré il me semble de la céramique carolingienne ou du Moyen Age central - c'étaient initialement des habitats protohistoriques.
Ce ne sont par contre pas les sites exclusifs d'arrivée des voyageurs en provenance des îles britanniques. On en a beaucoup sur toute la côte nord et en Cornouaille. On s'accorde par exemple pour donner une certaine importance à Plouguerneau, un ancien
Plebs Cerniu ou
Plou Cerniu, qui possède d'ailleurs des éperons barrés et des dunes ayant livré du mobilier gallo-romain. Non loin, à Guissény les dunes ont livré de la céramique du VIIe siècle. La liste est bien plus longue et je doute que l'ouvrage que tu évoquais ait pu t'importer les bons renseignements sur cette période ! Une astuce assez simple pour toi serait de trouver la cartographie des voies romaines, dont certaines se prolongent vers des sites côtiers pas encore corroborés archéologiquement. Mais si on s'est donné le mal de construire une route, c'est qu'il y avait un intérêt : reste à relever les bons toponymes et les vestiges sur place.
A propos de l'abandon des villes : c'est largement débattu ! Si c'est probablement le cas pour les agglomérations périphériques comme Locmaria-Quimper, Douarnenez ou Kérilien ; des indices tendent à prouver une certaine persistance des agglomérations comme Carhaix (Osismis, et non plus Vorgium alors) ou Corseul (Coriosolitis). Les universitaires ont longtemps pensé que Carhaix avait été abandonné au profit de Brest au Bas-Empire comme chef lieu de la civitas des Osismes, mais les discussions récentes reviennent là dessus. La ville était déjà redevenue importante à l'époque carolingienne, et les vestiges du IVe siècle sont nombreux. Elle n'a pas reçu de fortifications - du moins dans l'état actuel de nos connaissances. La toponymie atteste l'établissement d'une communauté bretonne non-loin de Carhaix, au Plouguer (le
Plebs du
Caer, de la ville), et la ville a donné son nom à un pagus entier, le Poher ou anciennement
Pou Caer, le pays de la ville. Il est cependant possible que la ville ait perdu de son importance pendant un temps : il s'agissait d'une capitale artificielle, fondée par les Romains pour contrôler la vaste
civitas des Osismes, qui ne tardera pas à éclater au Haut Moyen Age entre trois pays correspondant peut être à des divisions plus anciennes : Cornouaille, Léon et Trégor.
Quant aux villes de l'est de la péninsule, elles sont dans la zone gallo-romaine puis franque et restent bien vivantes : Vannes, Rennes et Nantes. Le cas de Vannes étant le plus particulier, il s'agit d'une enclave gallo-romaine qui va se retrouver ceinturée d'établissements bretons, elle passe sous leur contrôle avec Waroch à la fin du VIe siècle.
Enfin, si les îles sont importantes - particulièrement Ouessant/Ouxissama au vue des fouilles du Mez Notariou, les établissements monastiques ne sont sans doute pas encore très denses au Ve siècle. Le phénomène commence tout juste à la fin du Ve siècle, et il est à placer essentiellement aux VIe et VIIe siècles, notamment pour les fondations les plus importantes. Les saints bretons les plus prestigieux comme Paul Aurélien, Samson, Brioc et Gwénolé sont des personnages du VIe siècle.
Question routes maritimes, il y en a plusieurs à envisager. Des itinéraires relient directement la péninsule sud-ouest de la Grande-Bretagne avec l'ouest armoricain, en gros du Cornwall/Devon à la côte nord. Il existe une route transpéninsulaire passant par Padstow-Fowey en Cornwall : les navires provenant du sud du Pays de Galles accostent après avoir traversé la mer de Severn, et sont parfois embarqués sur des chariots avant de traverser la Manche. Une autre route partant des côtes galloises ou du Cornwall (Tintagel inclus) passe par les Iles Scilly puis au sud, contournant la pointe armoricaine pour soit aller sur la côte sud-armoricaine, soit vers Nantes et l'Aquitaine, l'Ibérie en traversant l'Atlantique ou la Méditerranée. Il existe aussi des routes plus orientales, mais ce ne sont pas les mêmes peuples qui empruntent ces voies qui vont se retrouver réservées aux échanges des peuples germaniques, notamment Saxons et Francs.
Quant aux marchandises exportées depuis la Bretagne insulaire, on a les métaux avec l'étain du Cornwall-Devon (Dumnonia) en tête, l'une des premières sources à l'époque, mais aussi l'argent, le cuivre et le plomb, des esclaves, des peaux et des marchandises dérivées du travail du cuir comme les chaussures, des fourrures plus nordiques, etc. Les imports en provenance de Gaule vers la Bretagne insulaire sont sans doute dominés par le vin et la verrerrie de luxe ; et en provenance de la Méditerranée orientale des céramiques de luxe, du vin et de l'huile.