lun. juil. 20, 2009 6:20 am
Hé ! Hé ! Que d'interrogations !
Alors dans l'ordre.
- La première idée était de coller aux sources : il y a une quantité impressionnante d'enluminures montrant des combattants avec l'épée enfoncée dans l'écu adverse (Hortus Deliciarum, Codex Manesse, Bible de Maciejowski, Eneide et j'en passe) et de là était venue ma première interrogation. Donc déjà, c'est un fait, les épées coincées dans la tranche d'un écu, ça arrivait apparemment un certain nombre de fois.
- Ensuite on part dans l'idée que le combattant frappe à la tête (cible privilégiée) dans les conditions idéales d'attaque : il se croit sûr de son coup et cherche à atteindre le casque : en pareil cas il faut un coup violent pour étourdir car contrairement à une escrime civile où on se bat tête nue, un heaume arrête amplement l'impact d'un coup d'épée normal, faut déjà plus de force pour estourbir un combattant protégé d'un heaume. La parade quant à elle est justement intéressante, car en répétant le mouvement au ralenti, on a vu que présenter la courbure (le "plat") de l'écu est sensiblement le même mouvement que présenter la tranche. Le changement se fait au dernier moment, et l'adversaire, à moins d'avoir des réflexes de tigre (ça arrive !) ne peut pas forcément doser la force de son coup.
- Les écus ne sont justement à priori pas en lamellé collé mais plutôt en planches assemblées (cf. le topic dans "armement médiéval" il y a un sujet qui fait débat là-dessus depuis plusieurs mois...
- Je suis, moi, partisan qu'en escrime réelle on frappe bien plus fort qu'en escrime civile : attention, j'insiste, je parle ici uniquement d'une escrime de bataille (mêlée avec entre 50 et 15000 combattants, bref, là où on utilise réellement l'écu) des XIIe et XIIIe siècles : il n'y a aucune faille dans l'armure (ou si peu) puisque le haubert recouvre tout le corps humain articulation y compris. Nous ne sommes pas ici dans une escrime XVe où l'armure présente plein de petite défauts (épaules, coudes, aisselles, poignets etc...) ; d'autre part, l'ensemble gambeson (même "léger") et haubert permet d'encaisser de bons chocs sans grand dommage (les sources textuelles de duels, batailles, tournois semblent démontrer qu'un chevalier en haubert peut encaisser plusieurs ocups d'épée, de 5 à 15 selon les sources, le contexte, l'endroit du corps atteint, l'endurance du combattant) ; quant à trancher un haubert, le sujet est déjà débattu : on n'y arrive pas, surtout pas avec un coup peu puissant.
Quant à l'idée que les combattants étaient des gros bourrins qui ne savaient pas tenir leur épée et qui savaient juste cogner : je me suis battu contre cette idée-là moi aussi, et je continue à le faire. De même que l'idée qu'on évite de heurter tranchant contre tranchant en escrime réelle.
Cependant le premier point soulève la question récurrente : tous les combattants avaient-ils accès aux meilleures techniques et étaient-ils des combattants hyper entraînés (dans son introduction, Fiore semblait dire que justement la "masse" des soldats était assez peu expérimentée en terme de techniques réellement efficaces) ; et le second point : la plupart des épées XIIIe en bon état (il y en a très très peu) retrouvées sur des sites d'affrontements montrent de superbes impacts de tranchant contre tranchant... Ca arrivait aussi, en pleine mêlée, on n'a pas forcément toujours la possibilité de faire autrement, et entre une épée bousillée et une vie sauvée, le choix est vite fait !
- Chercher plutôt à immobiliser l'adversaire, le contrôler, je suis tout à fait d'accord là aussi. Mais d'une part ça ne marche pas très bien à cheval (faire une clé de bras à cheval c'est pas évident) et à pieds dans une mêlée je doute qu'on y parvienne aisément, on est tellement pressés les uns contre les autres que peu de techniques d'escrime de duel sont réalisables, du moins pas sans s'exposer à la multitude de copains de ton adversaire qui vont pas apprécier que tu lui fasse un clé de poignet.
- L'argument de l'épée coincée dans l'écu a été soulevé immédiatement après le test : lorsqu'on se retrouve avec une épée coincée dans l'écu on a dans un premier temps tendance à se dire qu'on à l'air bien c... ! Ceci dit, dans un second temps, je me rends compte que c'est pas si lourd que ça, que si quelqu'un s'approche de moi, en bougeant mon écu je dispose d'une arme inédite que l'adversaire ne devinera ni ne soupçonnera pas : un coup de pommeau d'épée en pleine poire et avant d'appeler sa maman il se demandera "mais que faisait cette épée ici ?"
Maintenant il est vrai aussi que d'une part faut s'y mettre à deux pour la décoincer, d'autre part l'adversaire, si jamais il a le temps de la voir coincée dans l'écu, peut aussi essayer de s'en saisir pour du même coup immobiliser mon écu.
Mais c'est ça le combat : plein plein de "si" ! Si je fais ça je gagne. Si l'adversaire fait ça il gagne. Si je fais ça et que l'adversaire fait ça, je fais ça et s'il ne voit pas ça arriver je gagne etc...
En gros, ça passe ou ça casse : faut bien qu'il y ait un vainqueur et un vaincu !
Reinhardt von Rappolstein