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Posté : mer. mai 09, 2007 8:38 am
par Yvan de Tergate
Penchons nous aujourd'hui sur un grand mystère qui me hante depuis quelques temps.
De nombreux gisants montrent un ventail mobile fixé sur la tempe grâce à un laçage. Petit exemple plus bas. Selon les observations faites sur ce genre de gisant, la plupart des reconstitutions adoptent un système composée d'un segment de maille plus ou moins triangulaire qui vient se fixer sur la tempe. Un bel exemple de reconstitution ci-dessous (par Jehan2), avec une interprétation personnelle sur une double fermeture.
Jusqu'ici tout va bien
Mais je n'ai pas choisi cette photo de Jehan2 par hasard. On y voit parfaitement le ventail qui pendouille sur le haut du torse. C'est le cas pour toutes les reconstitutions que j'ai vu (et celle que j'ai réalisé également) ainsi que pour (presque) toutes les illustrations dans les Osprey par exemple. Visuellement, il est impossible de passer à coté de ce détail très caractéristique.
Or, j'ai beau fouiller et refouiller sans fin TOUTES l'iconographie dont je dispose, de mi-XIIe à fin XIIIe : aucune trace de ventail qui pendouille. AUCUNE ! Et se ne sont pas les représentations de camail rejetés en arrière qui manquent.
Tous les enlumineurs sur plus d'un siècle ont oublié de représenter le ventail qui pend ? Même sur les enluminures les plus détaillées ?
Est-ce que quelqu'un a une explication à cette bizzarerie ?
Personnellement, j'avance un début de théorie fumeuse : le ventail triangulaire serait une originalité Anglaise, comme les braies lassées sous le genou par exemple. J'explique :
- Toute l'iconographique que j'ai consultée est "Française".
- A ma connaissance, les gisants montrant clairement un ventail triangulaire sont Anglais.
- L'iconographie "Française" montre généralement un "tas" de maille au niveau du cou. Je penche plutôt dans ce cas pour une mentonnière dont j'essaye actuellement de comprendre le fonctionnement pour le reconstituer.
Pour démentir ou confirmer cette théorie fumeuse, je suis à la recherche de gisants Français montrant clairement un ventail triangulaire ou une iconographie (Française ou Anglaise) montrant un ventail triangulaire qui pendouille sur le torse.
Posté : mer. mai 09, 2007 12:11 pm
par LeLong
je trouve ton idée plausible.
j'ai justement retravaillé mon camail pour obtenir une sorte de ventaille qui ne soit pas un bout à rattacher, et avoir le même effet cagoule rabattue, ben ca marche plutot bien ! (même si j'ai jamais fignolé, laissant tomber les persos riches)
j'ai procédé simplement en faisant une groooosse augmentation de la largeur sur ce qui couvre l'avant du cou. avec un lacet on resserre quand la cagoule est en place. une fois desserré, il y a suvisemment d'espace pour rabattre la cagoule. voila pour la pratique, ca marche !! lol
Posté : jeu. mai 10, 2007 5:23 am
par Yvan de Tergate
Posté : jeu. mai 10, 2007 6:08 am
par deny de cornault
Le gambi sans col, perso, j’y crois pas trop.
Je pense que c’est un parti pris du sculpteur pour mettre en valeur le gisant. Mais du coup, pas grand-chose pour le camail, en effet...
Posté : jeu. mai 10, 2007 7:33 am
par Yvan de Tergate
Pour le camail : tant mieux ! Pour le moment, ca conforte ma théorie
Pour le col du gambi... On a peu de sources claires montrant un col. Et pourtant je suis de ceux qui penchent pour avoir un col sur le gambi, alors je cherche dans ce sens
On a plutôt plus de sources ne montrant pas de col...
Posté : jeu. mai 10, 2007 2:35 pm
par Isarn
Faut toujours citer l'auteur des photos Yvan ... surtout quand on les prend sur un autre forum
Les deux premières sont de moi, à la Basilique de Saint Denis :
1ère : gisant d'entrailles de Charles Ier d'Anjou (fin XIIIème)
2ème : gisant de Charles Comte de Valois (fin XIIIème - début XIVème)
Des personnages avec cagoule de maille rabattue et sans col dessous, on en trouve aussi dans la statuaire (ici le portail XIIIème de la cathédrale de Chartres, désolé pour la qualité des photos, il faisait nuit !!) :
J'ai du mal à croire à une convention stylistique tout de même, quand je vois les détails des statues et des gisants ... tout serait reproduit parfaitement à l'identique, sauf le cou ...?? Etonnant ...
Posté : jeu. mai 10, 2007 2:44 pm
par oriabel
Le troisième gisant est celui de l’Abbaye d’Ouville du XIII° siècle (musée des antiquités, Rouen). La photo est extraite d'un Osprey, David Nicolle.
Yvan, as-tu une vue de l'autre côté de la tête que tu as postée plus haut ? A-t-on d'ailleurs des témoignages qui ne montrent pas qu'exclusivement ce côté avec l'attache de la vantaille ?
Je me demande tout de même si nous n'avons pas affaire à une convention stylistique. Les gisants dont la maille est rabattue sur le cou ne sont pas représentés en train de combattre...Ils sont représentés avec les attributs d'un combattant. Nuance...Ils ne sont peut-être même pas morts au combat (à vérifier facilement selon certains personnages). Tandis que le premier en est peut-être un lui ! Vous avez regardé les gisants anglais de l'église du Temple (je ne me souviens pas de son nom !). Y'aurait peut-être des trucs intéressants de ce côté-là !
Posté : ven. mai 11, 2007 3:21 am
par lou teignou
Yvan de Tergate a dit :
Or, j'ai beau fouiller et refouiller sans fin TOUTES l'iconographie dont je dispose, de mi-XIIe à fin XIIIe : aucune trace de ventail qui pendouille. AUCUNE ! Et se ne sont pas les représentations de camail rejetés en arrière qui manquent.
Pas de camail rejetté en arrière au XIIe, par contre des ventailles ouvertes, oui.
T'as mal cherché.
Cherches du côté de St Nectaire et ND du Port, et tu trouveras ton bonheur en Terre Aquitaine.

Posté : ven. mai 11, 2007 3:33 am
par Yvan de Tergate
Isarn a dit : Faut toujours citer l'auteur des photos Yvan ... surtout quand on les prend sur un autre forum
Les deux premières sont de moi [...]
Oups, pardon, je ne savais pas que tu étais l'auteur des photos. Toutes mes excuses.
Oriabel a dit : Le troisième gisant est celui de l’Abbaye d’Ouville du XIII° siècle (musée des antiquités, Rouen). La photo est extraite d'un Osprey, David Nicolle.
Oui, tout à fait. Celui sur les chevaliers hospitaliers (1100-1306) pour être précis.
Je n'ai malheureusement pas d'autres photos de la première tête que j'ai posté plus haut. Cette image est issue du même Osprey. Cette tête est exposée dans une église de farnborough (Angleterre).
Pour les gisants, on pourrait en effet penser à une convention stylistique, mais de mon point de vue, l'iconographie conforte ce que l'on voit sur ces gisants.
Ci-dessous 2 photos du même gisant (Guillaume de Friardel, mort en 1233, commune de Friardel dans le Calvados). Pas de ventail et ici le camail est fermé.
Concernant Temple Church, je n'ai pas de photos suffisamment précises des gisants pour pouvoir en tirer quoi que ce soi... Si quelqu'un a ca !

Posté : ven. mai 11, 2007 8:35 am
par Yvan de Tergate
Je viens de trouver sur le web des photos un peu plus claires des gisants de Temple Church, notamment William Marshall père et fils (ci-dessous).
Sur le gisant de William Marshall le jeune (au premier plan, mort en 1231), il y a un ventail. Sur le gisant du père (à l'arrière plan, mort en 1219), j'ai l'impression qu'il n'y en a pas, mais on peu avoir un léger doute car la photo n'est pas hyper claire.
Mais au final, ce nouveau gisant montrant clairement un ventail est encore un Anglais.

Posté : sam. mai 12, 2007 1:12 am
par medieviste
Yvan de Tergate a dit : Pour le col du gambi... On a peu de sources claires montrant un col. Et pourtant je suis de ceux qui penchent pour avoir un col sur le gambi, alors je cherche dans ce sens
On a plutôt plus de sources ne montrant pas de col...
Ben apparemment les sources montrant un gambeson avec col sont surtout germaniques (Codex Manesse, gisant de Conrad Werner von Hattstatt à Colmar, statue du chevalier saxon assis conservée à Hanovre)
Je ne parle pas de la bible en skis, les cols semblant différents (rigides, souvent de couleurs différentes...)
Posté : sam. mai 12, 2007 7:26 am
par Yvan de Tergate
Lou Teignou a dit :
Pas de camail rejetté en arrière au XIIe, par contre des ventailles ouvertes, oui.
T'as mal cherché.
Quand je dis que je nai rien trouvé, je parlais uniquement de l'iconographie. Si tu as des exemples d'icono montrant clairement un ventail ouvert, ca serait intéressant que tu les postes.
Lou Teignou a dit :
Cherches du côté de St Nectaire et ND du Port, et tu trouveras ton bonheur en Terre Aquitaine.
Exact, merci Lou. Ci-dessous détail d'un chapiteau de Notre-Dame du Port, Clermont-Ferrand, deuxième-moitié du 12e (as-tu une datation plus précise Lou ?). On y voit bien un ventail qui pend. Mais j'ai l'impression que c'est un ventail rectangulaire qui s'attache de chaque coté de la tête. Tu confirmes ?
Je connais mal les sources de la moitié sud de la France. Mon intérêt étant plutôt centré sur la moitié nord.
Question subsidiaire : tu as des sources iconos (même de la région sud

) montrant un ventail ouvert ?

Posté : lun. mai 14, 2007 3:52 pm
par laure de tolosa
Si si y en a qui traînent dans les enluminures.
Enluminure française 1er tiers XIIIe.

Posté : mar. mai 15, 2007 3:11 am
par Yvan de Tergate
Merci pour cette icono, je ne la connaissais pas. Tu peux préciser l'origine et la date ?
J'en ai une autre du même genre (ci-dessous). On ne voit pas de ventail qui pend, mais on peut assez clairement identifier un ventail fermé. C'est la seule que j'ai trouvé. Cela fait 2 avec la tienne Laure. Sur des centaines d'icono que j'ai regardé, ca fait peu ! Et ca se trouve, c'est un Anglais qui est représenté avec son ventail

(Psautier à usage de Limoges - 1240 / 1250)
Posté : dim. mai 20, 2007 6:18 am
par medieviste
Euh...
Je viens ici avec un passage d'une de mes "bibles" : "le dimanche de Bouvines" de Duby (édition 1985, Gallimard)
Page 77 : Guillaume le Breton écrit : "et les Français de l'enclore [Eustache de Malenghin, chevalier flamand] entre eux, si bien que l'un l'arrête et lui étreint la tête entre le pis et le coude, puis il lui arracha le heaume de la tête et un autre le frappa d'un couteau
entre le menton et la ventaille jusques au coeur et lui fit sentir par grande douleur la mort dont il menaçait les Français..."
Ce passage est intéressant à plus d'un titre puisque :
1) il indique que le "couteau" dont il est question est assez long pour atteindre le coeur en passant par le menton (doit-on y voir plutôt la gorge ?) ,donc c'est pas un Opinel n°2
2) Le chevalier ne cherche même pas à percer les mailles, il passe le couteau dans la faille de la ventaille (traduction d'Andrée Duby :
LA ventaille), ce qui indique que les mailles résistent fort bien aux estocs
3) L'ouverture de la ventaille se fait au niveau du menton, apparemment, et en dessous de la ventaille cela semble être suffisamment ouvert pour trifouiller les organes et atteindre le coeur.