[Littérature] La première neige
Modérateur : L'équipe des gentils modos
La première neige
Une vieille tradition existait chez certaines communautés médiévales cathares. Celle de confier au froid le soin de nous conduire au Paradis, renonçant à son corps sans le tuer, libérant par l'abnégation de la chair l'âme divine.
La première neige est venue aujourd'hui frapper à la porte sans s'annoncer, à l'improviste. Même les vieux paysans ne l'ont pas senti venir. Elle arrive d'habitude sur les ailes hurlantes du vent du Nord, dévalant les froides pentes d'Auvergne pour recouvrir de son blanc linceul toute la Montagne Noire.
Cette année, elle est venue à tâtons, subrepticement. Ce matin, un froid ciel bleu d'Automne et quelques arbres qui frissonnent sous les frimas. A midi, un fond laiteux apparaît qui nuance l'azur encore éclatant. Et vers quinze heures, le premier flocon tombe timidement, accompagné d'un second, puis d'un troisième.
Les formes s'émoussent sous le tapis naissant. Les empreintes du Parfait s'estompent déjà. Encore une heure et la neige en aura effacé toute trace. La campagne est déserte, survolée par quelques corbeaux et une meute de passereaux en retard. Qui oserait s'aventurer dehors par un temps pareil, si ce n'est un homme de foi ?
Assis sur un vieux tabouret, le vieil homme se réchauffe une dernière fois auprès du foyer. Un bébé joue à ses pieds, fils de son fils, chair de sa chair. Gaspard regarde le nourrisson de ses yeux bleus délavés par le soleil, ses yeux séchés par les ans qui ne peuvent plus pleurer... Son visage est buriné par les années de travail au champ, les sillons qu'il a tracés dans la terre se sont imprimés dans sa chair.
Gaspard tremble, ses mains ne sont plus bonnes à rien. Il tousse, les poumons sont encrassés par la poussière des routes. Il pleure de sèches larmes les années de jeunesse perdues, la douce Cyrielle morte en mettant bas son quatrième enfant, les hivers au bois de résine prés de la cheminée et les printemps rieurs. Gaspard pleure de sanglots morts une vie passée et un avenir trépassé.
Le vieil homme est neuf, lavé de ses péchés par le consolament. Nouveau né sans futur, Gaspard ne veut plus voir la vie comme une succession de jours inutiles. Il ne veut plus sucer un bout de pain retiré de la bouche d'un enfant, d'un travailleur, voler un peu de chaleur près de la cheminée, quand grelottent les siens.
Gaspard se lève lentement. Il prend sa canne, et se dirige vers la porte qu'il ouvre. Une bourrasque de neige entre, recouvre de fins cristaux d'argent le sol de terre battue. En un claquement la porte se referme. Les enfants se regardent. Ils pleurent sans bruit en cette soirée d'Automne.
En quelques secondes le rideau blanc avale Gaspard. La première neige de Novembre continue à tomber. Dans quelques minutes, nul ne saura d'où le vieil homme partira rejoindre le ciel.
Une vieille tradition existait chez certaines communautés médiévales cathares. Celle de confier au froid le soin de nous conduire au Paradis, renonçant à son corps sans le tuer, libérant par l'abnégation de la chair l'âme divine.
La première neige est venue aujourd'hui frapper à la porte sans s'annoncer, à l'improviste. Même les vieux paysans ne l'ont pas senti venir. Elle arrive d'habitude sur les ailes hurlantes du vent du Nord, dévalant les froides pentes d'Auvergne pour recouvrir de son blanc linceul toute la Montagne Noire.
Cette année, elle est venue à tâtons, subrepticement. Ce matin, un froid ciel bleu d'Automne et quelques arbres qui frissonnent sous les frimas. A midi, un fond laiteux apparaît qui nuance l'azur encore éclatant. Et vers quinze heures, le premier flocon tombe timidement, accompagné d'un second, puis d'un troisième.
Les formes s'émoussent sous le tapis naissant. Les empreintes du Parfait s'estompent déjà. Encore une heure et la neige en aura effacé toute trace. La campagne est déserte, survolée par quelques corbeaux et une meute de passereaux en retard. Qui oserait s'aventurer dehors par un temps pareil, si ce n'est un homme de foi ?
Assis sur un vieux tabouret, le vieil homme se réchauffe une dernière fois auprès du foyer. Un bébé joue à ses pieds, fils de son fils, chair de sa chair. Gaspard regarde le nourrisson de ses yeux bleus délavés par le soleil, ses yeux séchés par les ans qui ne peuvent plus pleurer... Son visage est buriné par les années de travail au champ, les sillons qu'il a tracés dans la terre se sont imprimés dans sa chair.
Gaspard tremble, ses mains ne sont plus bonnes à rien. Il tousse, les poumons sont encrassés par la poussière des routes. Il pleure de sèches larmes les années de jeunesse perdues, la douce Cyrielle morte en mettant bas son quatrième enfant, les hivers au bois de résine prés de la cheminée et les printemps rieurs. Gaspard pleure de sanglots morts une vie passée et un avenir trépassé.
Le vieil homme est neuf, lavé de ses péchés par le consolament. Nouveau né sans futur, Gaspard ne veut plus voir la vie comme une succession de jours inutiles. Il ne veut plus sucer un bout de pain retiré de la bouche d'un enfant, d'un travailleur, voler un peu de chaleur près de la cheminée, quand grelottent les siens.
Gaspard se lève lentement. Il prend sa canne, et se dirige vers la porte qu'il ouvre. Une bourrasque de neige entre, recouvre de fins cristaux d'argent le sol de terre battue. En un claquement la porte se referme. Les enfants se regardent. Ils pleurent sans bruit en cette soirée d'Automne.
En quelques secondes le rideau blanc avale Gaspard. La première neige de Novembre continue à tomber. Dans quelques minutes, nul ne saura d'où le vieil homme partira rejoindre le ciel.
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Snif ...
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<a href="http://apoissonrouge.canalblog.com/" target="_blank">mon book virtuel</a>
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- melissandre
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- Localisation : magalas
Peut-on savoir de qui est ce texte ?
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- guilhem de tresmals
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quelle est ta source pour cette pratique? parce que là je sèche.Thain a dit :
Une vieille tradition existait chez certaines communautés médiévales cathares. Celle de confier au froid le soin de nous conduire au Paradis, renonçant à son corps sans le tuer, libérant par l'abnégation de la chair l'âme divine.

faydit per totjorn amb l'ost
<img src="http://www.batailledemalemort.org/Images/bannierePM.jpg" alt="http://www.batailledemalemort.org/Images/bannierePM.jpg" style="border:0" />
<a href="http://www.batailledemalemort.org " target="_blank">http://www.batailledemalemort.org </a>
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<a href="http://www.batailledemalemort.org " target="_blank">http://www.batailledemalemort.org </a>
Le texte est de moi. Je 'lavais écrite dans le cadre d'un concours informel d'un cercle d'écrivains auquel je participe sur Internet. Le Thème était "La première neige".
Pour la pratique, c'est plus un conte qu'un exposé historique. Il me semble qu'Otto Rahn avait parlé de cette pratique. Mais bon, c'est clairement un prétexte.
Pour la pratique, c'est plus un conte qu'un exposé historique. Il me semble qu'Otto Rahn avait parlé de cette pratique. Mais bon, c'est clairement un prétexte.
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- melissandre
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- Enregistré le : jeu. févr. 02, 2006 12:00 am
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Tout à fait d'accord avec Yrwanel, je trouve ce texte très beau, bravo
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Merci beaucoup :-).
ça me touche d'autant plus que j'ai refusé une mutation à Paris pour me consacrer uniquement à l'écriture, finir mon premier roman (écrit à moitié) et le publier. vos commentaires me donnent le courage de croire que je me plante pas.
ça me touche d'autant plus que j'ai refusé une mutation à Paris pour me consacrer uniquement à l'écriture, finir mon premier roman (écrit à moitié) et le publier. vos commentaires me donnent le courage de croire que je me plante pas.
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- melissandre
- Messages : 1547
- Enregistré le : jeu. févr. 02, 2006 12:00 am
- Localisation : magalas
Si ton roman est aussi bien écrit que ce conte, tu ne dois te faire aucun soucis.
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Voici un extrait du Fer de l'Âme, Premier tome du cycle de Justine.
La voix du vieillard brise le silence de cette cathédrale de la guerre. Le mercenaire sursaute, surpris. Perdu par sa contemplation et égaré dans ses souvenirs, il en avait oublié la présence du vieillard. Ce vieux sénile l'a interrompu en plein fantasme ! Les reliques brillent de l'éclat blanc et froid de l'acier, prêtes à accomplir le miracle pour lequel elles ont été conçues : transformer la chair en sang.
Disposées sur un autel en bois de chêne, rangées par taille croissante, quelques armes attendent couchées Clotaire et Pierrick.
A gauche repose une dague, à la lame courte et à l'acier mat. Son fil semble être l'amant de toute gorge. L'ami rêvé de tout assassin. Le mercenaire imagine l'un deux, se glissant subrepticement derrière sa victime. Un seul éclat sous les torches vacillantes et l'homme s'effondre, la main portée à la gorge, dans un gargouillis de sang. L'assassin se retire dans un froissement de tissu.
L'escorte sur sa droite un court cimeterre, fils du désert. Il rappelle à Pierrick ces dunes immobiles qui deviennent à l'improviste de mortelles tempêtes de sable. Des rumeurs terribles courent sur les hordes bédouines. Elles chevauchent sur les ailes du vent et précèdent leurs assauts de cris féroces. Si vous risquez d'être capturé, il est encore préférable de se donner la mort : vous ne souffrirez pas le martyre, agonisant sous le soleil, vos plaies baignées d'un vinaigre âpre.
Le regard de l'aventurier est ensuite accroché par un glaive court, à la poignée de fils d'or et d'argent entrelacés. La providence accompagne quiconque se retrouve contraint de combattre dans un corridor étroit en possession d'une telle arme : légère et maniable, elle déchirerait les mailles les plus épaisses, s'enfoncerait dans la chair d'un ennemi qui n'aurait même pas eu le temps de soulever sa propre arme.
Etoile du matin. Une forme ronde et sensuelle, soulignée par la violence des pointes aiguisées. Etoile du matin… Un nom délicieux, qui rappelle moult charges sous le soleil naissant. Quand les chevaux piaffent, renâclent, les muscles bandés, attendent le chant libérateur de l'oliphant pour se lancer à course éperdue vers l'ennemi. Pierrick effleure la courbe noire et froide. A ces souvenirs, il se surprend à sourire.
Couchée sur une étoffe pourpre, sa compagne l'attend. L'acier mat accroche aux torches des reflets or. Ils dessinent de fugitifs éclats, qui meurent avant de naître. Les deux tranchants sont si fins qu'ils paraissent être des fils d'argent. Ils s'embrassent en une pointe légèrement arrondie. Une gouttière souligne le centre de la lame, calice destiné à recueillir le sang des damnés.
Pierrick approche sa main de la poignée. Le bois de noyer est doux au toucher. Lisse, sans aspérités, d'une fine rondeur. Le mercenaire ferme les yeux. La peau veloutée d'une jeune vierge n'est pas plus agréable à caresser. Les doigts glissent vers le pommeau, dont le métal froid contraste avec la tiédeur du bois. Y sont gravées de fines arabesques, entrelacs de serpents, chimères, lions et loups.
Empoignant l'épée, Pierrick lui fait dessiner de larges moulinets. La lame fend l'air en sifflant, et l'aventurier y entend distinctement les cris de terreur de ses ennemis. L'arme est d'un équilibre incroyable, il n’en a jamais vu de pareil. Plus légère qu'une plume, elle part avec la force d'une cognée, s'arrête en un courant d'air. L'aventurier, fasciné, effleure de sa main gauche l'acier plat de la lame.
- Vous avez apparemment trouvé votre bonheur. Venez, suivez-moi !
Clotaire se dirige vers le fond de la crypte, invitant son hôte à en faire de même.
Arrivé devant la forge, Pierrick s'arrête. Cette ouverture noire de suie, ce cœur de braises qui enfante fascine l'aventurier. Il plonge aux origines de la destruction. L'épée qu'il empoigne est née de ces flammes, et il en va de même pour tous ses frères et sœurs, ici ou éparpillés dans les forteresses, sur les champs de batailles. Combien de lames froides et mortelles ont été enfantées par le brasier ? Combien de milliers de vies ce feu a t'il pris ?
A moins d'un mètre du mur, une bûche est posée sur deux tréteaux en fer forgé. Epaisse comme le tronc d'un homme, elle attend immobile le choc du bourreau. Le bois est sain; il a dû être coupé il y a quelques jours, une semaine tout au plus. On y devine encore les entailles de haches. Vu le nombre, cet arbre centenaire a longuement nargué la lourde hache du bûcheron.
- Approchez-vous, et essayez de trancher cette poutre.
Pierrick fait face au bois. Il glisse la main gauche au niveau du pommeau, sous la main droite. L'aventurier fléchit légèrement les genoux, lève les bras au dessus de la tête, la lame en arrière frôlant son dos. Ses muscles saillent, ils vibrent sous l'énergie concentrée. Le corps de Pierrick est bandé comme une catapulte, prêt à libérer en une seconde la formidable force qu’il concentre depuis une longue minute.
Soudain, le mercenaire libère la puissance de son corps. La lame part en un sifflement et s'abat sur la poutre. L'aventurier ne sent aucune résistance, le fil coupe du beurre, le bois n'oppose à l'acier aucune résistance. La lame coupe le tronc et poursuit sa descente vers les dalles grises du sol. Elle touche la pierre qu'elle brise dans une gerbe d'étincelles, s'y enfonce de quelques centimètres.
Le doigt effleure le tranchant. Il est intact. Ce coup ne l'a même pas émoussé, alors qu'une lame traditionnelle aurait dû s'ébrécher, voire se briser sous l'impact. Pierrick, apparemment satisfait, lève son épée, s'amuse à y faire jouer les reflets des torches. Il se retourne vers Clotaire, et lui dit six mots qui hanteront ses cauchemars, jusqu'à sa mort : c'est bon, je la prends.
La bâtarde est fille de reine.
La voix du vieillard brise le silence de cette cathédrale de la guerre. Le mercenaire sursaute, surpris. Perdu par sa contemplation et égaré dans ses souvenirs, il en avait oublié la présence du vieillard. Ce vieux sénile l'a interrompu en plein fantasme ! Les reliques brillent de l'éclat blanc et froid de l'acier, prêtes à accomplir le miracle pour lequel elles ont été conçues : transformer la chair en sang.
Disposées sur un autel en bois de chêne, rangées par taille croissante, quelques armes attendent couchées Clotaire et Pierrick.
A gauche repose une dague, à la lame courte et à l'acier mat. Son fil semble être l'amant de toute gorge. L'ami rêvé de tout assassin. Le mercenaire imagine l'un deux, se glissant subrepticement derrière sa victime. Un seul éclat sous les torches vacillantes et l'homme s'effondre, la main portée à la gorge, dans un gargouillis de sang. L'assassin se retire dans un froissement de tissu.
L'escorte sur sa droite un court cimeterre, fils du désert. Il rappelle à Pierrick ces dunes immobiles qui deviennent à l'improviste de mortelles tempêtes de sable. Des rumeurs terribles courent sur les hordes bédouines. Elles chevauchent sur les ailes du vent et précèdent leurs assauts de cris féroces. Si vous risquez d'être capturé, il est encore préférable de se donner la mort : vous ne souffrirez pas le martyre, agonisant sous le soleil, vos plaies baignées d'un vinaigre âpre.
Le regard de l'aventurier est ensuite accroché par un glaive court, à la poignée de fils d'or et d'argent entrelacés. La providence accompagne quiconque se retrouve contraint de combattre dans un corridor étroit en possession d'une telle arme : légère et maniable, elle déchirerait les mailles les plus épaisses, s'enfoncerait dans la chair d'un ennemi qui n'aurait même pas eu le temps de soulever sa propre arme.
Etoile du matin. Une forme ronde et sensuelle, soulignée par la violence des pointes aiguisées. Etoile du matin… Un nom délicieux, qui rappelle moult charges sous le soleil naissant. Quand les chevaux piaffent, renâclent, les muscles bandés, attendent le chant libérateur de l'oliphant pour se lancer à course éperdue vers l'ennemi. Pierrick effleure la courbe noire et froide. A ces souvenirs, il se surprend à sourire.
Couchée sur une étoffe pourpre, sa compagne l'attend. L'acier mat accroche aux torches des reflets or. Ils dessinent de fugitifs éclats, qui meurent avant de naître. Les deux tranchants sont si fins qu'ils paraissent être des fils d'argent. Ils s'embrassent en une pointe légèrement arrondie. Une gouttière souligne le centre de la lame, calice destiné à recueillir le sang des damnés.
Pierrick approche sa main de la poignée. Le bois de noyer est doux au toucher. Lisse, sans aspérités, d'une fine rondeur. Le mercenaire ferme les yeux. La peau veloutée d'une jeune vierge n'est pas plus agréable à caresser. Les doigts glissent vers le pommeau, dont le métal froid contraste avec la tiédeur du bois. Y sont gravées de fines arabesques, entrelacs de serpents, chimères, lions et loups.
Empoignant l'épée, Pierrick lui fait dessiner de larges moulinets. La lame fend l'air en sifflant, et l'aventurier y entend distinctement les cris de terreur de ses ennemis. L'arme est d'un équilibre incroyable, il n’en a jamais vu de pareil. Plus légère qu'une plume, elle part avec la force d'une cognée, s'arrête en un courant d'air. L'aventurier, fasciné, effleure de sa main gauche l'acier plat de la lame.
- Vous avez apparemment trouvé votre bonheur. Venez, suivez-moi !
Clotaire se dirige vers le fond de la crypte, invitant son hôte à en faire de même.
Arrivé devant la forge, Pierrick s'arrête. Cette ouverture noire de suie, ce cœur de braises qui enfante fascine l'aventurier. Il plonge aux origines de la destruction. L'épée qu'il empoigne est née de ces flammes, et il en va de même pour tous ses frères et sœurs, ici ou éparpillés dans les forteresses, sur les champs de batailles. Combien de lames froides et mortelles ont été enfantées par le brasier ? Combien de milliers de vies ce feu a t'il pris ?
A moins d'un mètre du mur, une bûche est posée sur deux tréteaux en fer forgé. Epaisse comme le tronc d'un homme, elle attend immobile le choc du bourreau. Le bois est sain; il a dû être coupé il y a quelques jours, une semaine tout au plus. On y devine encore les entailles de haches. Vu le nombre, cet arbre centenaire a longuement nargué la lourde hache du bûcheron.
- Approchez-vous, et essayez de trancher cette poutre.
Pierrick fait face au bois. Il glisse la main gauche au niveau du pommeau, sous la main droite. L'aventurier fléchit légèrement les genoux, lève les bras au dessus de la tête, la lame en arrière frôlant son dos. Ses muscles saillent, ils vibrent sous l'énergie concentrée. Le corps de Pierrick est bandé comme une catapulte, prêt à libérer en une seconde la formidable force qu’il concentre depuis une longue minute.
Soudain, le mercenaire libère la puissance de son corps. La lame part en un sifflement et s'abat sur la poutre. L'aventurier ne sent aucune résistance, le fil coupe du beurre, le bois n'oppose à l'acier aucune résistance. La lame coupe le tronc et poursuit sa descente vers les dalles grises du sol. Elle touche la pierre qu'elle brise dans une gerbe d'étincelles, s'y enfonce de quelques centimètres.
Le doigt effleure le tranchant. Il est intact. Ce coup ne l'a même pas émoussé, alors qu'une lame traditionnelle aurait dû s'ébrécher, voire se briser sous l'impact. Pierrick, apparemment satisfait, lève son épée, s'amuse à y faire jouer les reflets des torches. Il se retourne vers Clotaire, et lui dit six mots qui hanteront ses cauchemars, jusqu'à sa mort : c'est bon, je la prends.
La bâtarde est fille de reine.
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- melissandre
- Messages : 1547
- Enregistré le : jeu. févr. 02, 2006 12:00 am
- Localisation : magalas
Je confirme tu n'as aucun soucis à te faire.
C'est vraiment très beau. Vivement la fin et la publication de ce premier volume...
C'est vraiment très beau. Vivement la fin et la publication de ce premier volume...
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- guilhem de tresmals
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ben maintenant on attends la publication, tiens nous au courrant
faydit per totjorn amb l'ost
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très classe, effectivement...Vivement la publication... 

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"...Chef!Chef! Pourquoi s'que l'chevalier y court en zig-zag...???"
"...La ferme...,et passes-moi une flèche...!!!"
"...Chef!Chef! Pourquoi s'que l'chevalier y court en zig-zag...???"
"...La ferme...,et passes-moi une flèche...!!!"