Oserais-je répondre ici sur un post qui a filé "un mauvais coton"?
Tout d'abord, le comte de Toulouse ne portait pas des chausses en coton mais en sergé de laine mérinos teinte au kermès. Par contre, par dessus une chemise en lin fin, il portait une tunique courte dont les ouvertures étaient fermées par des brides en soie tissées aux cartons. La tunique en armure losangée est un des plus anciens exemples de futaines puisque la chaîne était en lin mais la trame en coton gratté. L'analyse fine du tissage a pu permettre de dire que ce tissu a sans doute été tissé sur un métier horizontal et il est généralement admis que cette futaine aurait pu être tissée en Espagne musulmane. C'est une des rares futaines retrouvées ou conservées et pourtant dès le XIIe s. la production de futaines est importantes en Italie puis en Allemagne du Sud voire en Champagne puisque parfois on attribue la date de 1179 pour la futaine à Bar sur Aube (travaux de Wescher: "Die Anfänge der Baumwollmanufaktur auf europäischen Boden",
Ciba Rundschau 45, 1940, p. 1640-1644)).
Sur la question de la futaine, la référence reste M.F. Mezzaoui,
The Italian Cotton Industry in the Later Middle Ages 1100-1600, Cambridge, 1981.
On peut se faire une idée de l'ouvrage avec la critique de Heers Jacques:
url :
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 400_0000_2
On remarque la nouveauté apportée par cet ouvrage où on ne se contente pas de la futaine mais où on observe un renouveau du matériel d'archives (sources des réglementations techniques par ex...)
Pour la Picardie au XVe s., je ne sais trop répondre mais pour le duché de Lorraine et Barrois (donc zone de langue d'oil), le coton y arrive par la voie du commerce, notamment italien: il y est connu et disponible sous forme de fil ou de futaine, et non pas que sous forme de bourre, avant la deuxième moitié du XIVe s. puisqu'en 1356 des marchands de Neufchâteau (Vosges) en achètent à Milan ("tres decim fardellos fustanarum ascendentium valorem seu semman durorum millium florenorum auri"). En 1348, 4 marchands de Neufchâteau se voient confisquer leur charette qui contient "plusours pieces de saie de lin et de fy". Sont-c e des pièces de lin et fil (=coton) mélangé (comme le métis de nos grands-mères) ou bien des saies de lin et d'autres saies de fil (ce qui indiquerait des tissus 100% coton)??? . En 1400, le prévôt de Bouconville (Meuse) achète de la futaine, de la toile, du coton et des fils pour faire des "gyppons au duc". à Gondrecourt en 1377, à Bar en 1384 et à Toul en 1406, on interdit aux tisserands de commencer le début du tissage d'un drap avec du fil de coton ou d'autre matière (chanvre, lin...) pour économiser la laine de trame (: Et quiconques mettra fil de chanvre ne d'estouppes ne de cotton ne de lin en draps marquies aux deux chiefz et pranre sans meffaire toutes manieres de draps qui debvroient amende par tout ou ilz seroient jusques à ce qu'ilz seroient ploiez et apportez"...les mentions de futaines ou tiretaines sont extrêmement courantes pour la fin du XVe s dans les inventaires de décès...le problème reste qu'il est quasi-impossible de trouver de la futaine aujourd'hui...On a même du mal à savoir à quoi elles pouvaient ressembler car peu ont été conservées. A cluny, au musée national du Moyen Age, la bourse en drap de soie à fils d'or enregistrée Cl. 21860 a conservée sa doublure en futaine: on est loin du mélange lin-coton des vendeurs actuels de tissu puisque le tissu est une succession de bande de sergé (diagonales) de trame de lin sur chaîne de coton Z barré de toiles sur 2 coups avec du coton retors: cela fait un tissu velouteux avec des rayures en relief...