Question coton.

Sources, techniques, matières...

Modérateur : L'équipe des gentils modos

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Sagiterra
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ven. févr. 25, 2011 11:27 pm

Nom d'un chat ! C'était la pleine lune et personne ne m'a prévenue!!! [img]smile/tira.gif[/img]


* Sort aussi par la chatière *
[img]kator/smiley1.gif[/img]
Conte, enluminure, calligraphie, où donc s'arrêtera-t-elle ?
Ahem... batterie jazz... euh... tir à l'arc dans une vie antérieure... :oD
gregoire le guesderon
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ven. mars 18, 2011 1:41 am

Oserais-je répondre ici sur un post qui a filé "un mauvais coton"?

Tout d'abord, le comte de Toulouse ne portait pas des chausses en coton mais en sergé de laine mérinos teinte au kermès. Par contre, par dessus une chemise en lin fin, il portait une tunique courte dont les ouvertures étaient fermées par des brides en soie tissées aux cartons. La tunique en armure losangée est un des plus anciens exemples de futaines puisque la chaîne était en lin mais la trame en coton gratté. L'analyse fine du tissage a pu permettre de dire que ce tissu a sans doute été tissé sur un métier horizontal et il est généralement admis que cette futaine aurait pu être tissée en Espagne musulmane. C'est une des rares futaines retrouvées ou conservées et pourtant dès le XIIe s. la production de futaines est importantes en Italie puis en Allemagne du Sud voire en Champagne puisque parfois on attribue la date de 1179 pour la futaine à Bar sur Aube (travaux de Wescher: "Die Anfänge der Baumwollmanufaktur auf europäischen Boden", Ciba Rundschau 45, 1940, p. 1640-1644)).
Sur la question de la futaine, la référence reste M.F. Mezzaoui, The Italian Cotton Industry in the Later Middle Ages 1100-1600, Cambridge, 1981.
On peut se faire une idée de l'ouvrage avec la critique de Heers Jacques:

url : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 400_0000_2
On remarque la nouveauté apportée par cet ouvrage où on ne se contente pas de la futaine mais où on observe un renouveau du matériel d'archives (sources des réglementations techniques par ex...)
Pour la Picardie au XVe s., je ne sais trop répondre mais pour le duché de Lorraine et Barrois (donc zone de langue d'oil), le coton y arrive par la voie du commerce, notamment italien: il y est connu et disponible sous forme de fil ou de futaine, et non pas que sous forme de bourre, avant la deuxième moitié du XIVe s. puisqu'en 1356 des marchands de Neufchâteau (Vosges) en achètent à Milan ("tres decim fardellos fustanarum ascendentium valorem seu semman durorum millium florenorum auri"). En 1348, 4 marchands de Neufchâteau se voient confisquer leur charette qui contient "plusours pieces de saie de lin et de fy". Sont-c e des pièces de lin et fil (=coton) mélangé (comme le métis de nos grands-mères) ou bien des saies de lin et d'autres saies de fil (ce qui indiquerait des tissus 100% coton)??? . En 1400, le prévôt de Bouconville (Meuse) achète de la futaine, de la toile, du coton et des fils pour faire des "gyppons au duc". à Gondrecourt en 1377, à Bar en 1384 et à Toul en 1406, on interdit aux tisserands de commencer le début du tissage d'un drap avec du fil de coton ou d'autre matière (chanvre, lin...) pour économiser la laine de trame (: Et quiconques mettra fil de chanvre ne d'estouppes ne de cotton ne de lin en draps marquies aux deux chiefz et pranre sans meffaire toutes manieres de draps qui debvroient amende par tout ou ilz seroient jusques à ce qu'ilz seroient ploiez et apportez"...les mentions de futaines ou tiretaines sont extrêmement courantes pour la fin du XVe s dans les inventaires de décès...le problème reste qu'il est quasi-impossible de trouver de la futaine aujourd'hui...On a même du mal à savoir à quoi elles pouvaient ressembler car peu ont été conservées. A cluny, au musée national du Moyen Age, la bourse en drap de soie à fils d'or enregistrée Cl. 21860 a conservée sa doublure en futaine: on est loin du mélange lin-coton des vendeurs actuels de tissu puisque le tissu est une succession de bande de sergé (diagonales) de trame de lin sur chaîne de coton Z barré de toiles sur 2 coups avec du coton retors: cela fait un tissu velouteux avec des rayures en relief...
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kalima
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ven. mars 18, 2011 9:19 am

Grégoire,
Tu as bien fait de relancer.

Pour ceux que ça intéresse, le livre de MF Mezzaoui est partiellement consultable sur le oueb avec googlebooks
http://books.google.fr/books?id=99s8AAA ... &q&f=false
voir notamment le chapitre en Italie et... en Allemagne du Sud (1300-1600), à partir de la page 129, qui indique que la manufacture du coton s'est rapidement développé dans le nord de l'Italie dès le XIIème siècle...
gregoire le guesderon
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ven. mars 18, 2011 11:02 am

Merci pour le lien...
Je profite de ces remerciements pour revenir sur la mention du goupil du métier de chapelier de coton à Paris, fin XIIIe s. Je ne pense pas que la mention d'interdiction de filer au touret soit pour le coton car le coton devait sans doute parvenir filé en Europe et être filé justement au touret en Méditerranée (Espagne, Sicile, Italie du Sud...). Je m'explique:
dans les statuts, il est dit:"Quiconques est chapeliers de coton il puet ouvrer de lainne et de poil et de coton ne ne doit riens de chose qui vende de son mestier " donc le chapelier de coton ne travaille pas que le coton mais aussi la laine, d'ailleurs il est strictement surveillé sur la qualité de laine qu'il utilise:
"Chapeliers de coton ne puet ouvrer de lainne fors que de droite lainne tondue ou peléiée de droite seson car s il ouvroit d autre lainne si comme de rastin l euvre et le fil qui en seroit fez seroit arse et si seroit cilz qui l auroit fet en l amende des v s desus diz"...pas question pour lui d'utiliser de la vieille laine de la saison passée ou des rejets de bourre, à la rigueur de la laine de mégisserie pelée sur les peaux de moutons sous peine que sa prod soit brûlée...
et donc: "Nus chapeliers de coton ne puet fère filer lou file à touret et se il le fesoit et il fust trouvez il seroit ars et l euvre où il seroit mis seroit ausinc arse et cil seur qui il seroit ainsi trouvé seroit en l amende des v s desus diz" correspond plutôt à une interdiction pour le chapelier de coton d'utiliser de la laine filée au touret car le texte de 1288 est à replacer dans un contexte de large diffusion de cet outil (la roue à filer) sous l'influence de la technique cotonnière méditerranéenne: A Abbeville, en 1288 la roue à filer est explicitement interdite et la première autorisation vient de Spire en 1298 mais uniquement pour la trame car ce fil ne subit pas de tension et donc peut être plus fragile. Partout les draperies urbaines se méfient de ce nouvel outillage rapide qui permet de filer des fibres courtes (comme le coton....) et qui permettraient aux fileuses de produire plus rapidement...Le tour est alors peu à peu autorisé uniquement pour les trames en laine cardée puis pour retordre les fils, comme les fils de soie par exemple...Les interdictions des roues à filer vont perdurer longtemps, jusqu'à la nouvelle draperie de laine cardée et chaque ville affiche ainsi le gage de bonne qualité de sa production en faisant interdire les rouets: A Saint-Mihiel dans la Meuse en 1386, on interdit encore la trame filée au touret sauf une erreur de 2 duites (passages de trame) et encore, le drapier et sa femme devront jurer qu'ils ne le savaient pas; à Toul par exemple, en 1406, le drap dont la chaîne est filée au touret est brûlé ainsi que le métier à tisser qui l'a produit et le tisserand est banni du metier pendant un an : "E t quiconque fera drap fillez au tour, trestout, tiretaine et atain, le drap et le mestier seront ars et debvront estre ars derriere le change de Toul san peine, amende ne rachapt quelconque et sera bannis du mestier ung an celluy qui l'auroit faict; et au chef de l'an, s'il vouloit rentrer ondit mestier il payroit ung franc pour sa rentrée au maitre dudict mestier tenant ce qu'il peult rentrer"...On est presque dans la Belle au bois dormant quand le roi fait brûler les rouets sur la place publique...
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yrwanel
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ven. mars 18, 2011 7:05 pm

Les interdictions concernant les rouets sont très variables suivant les régions.

Elles corerspondent non seulement à une "forme de méfiance" face à cet outil, mais aussi à une forme de protection de la main d'oeuvre.
Quoique les nécessictés de plus grande production (et avec des marges bénéficiaires plus...importantes) feront que le métier de fileuse, INDISPENSABLE au textile sera de plus en plus mal payé, très surveillé, conduisant à l'apparition d'un prolétariat essentiellement féminin.
Les fileuses seront tellement mal rétribuées qu'elles devront trouvé de quoi compléter leur gagne-pain (souvent en se prostituant). :/
(voir Cardon "Arachné enchainée).

Si le filage au fuseau peut se faire "n'importe où", le rouet, en échange, oblige la fileuse à rester à côté de son outil.
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laetitia
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lun. mars 21, 2011 10:21 am

Le Goupil a écrit : Mais comme je dis souvent, j'estime qu'on est aussi peu représentatif du Moyen Age par une uniformité trop prudente que par l'excès de particularismes, m'enfin bon...
:gla:
Ça y est, je vais pouvoir faire la groupie aussi.
Merci pour cette phrase Goupil.

La représentativité, les généralisations...
Des réflexions qui empêchent des individus de faire des choses qui ont pu exister mais qu'on leur interdit parce que si tout le monde les copie, on va finir par se retrouver avec de l'exception généralisée.
Moi qui suis toujours à l'affût des trucs qui sortent de l'ordinaire (va vraiment falloir que je la sorte ma compile d'objets historiques insolites), ça m'agace vraiment qu'on préfère reprocher au gens de faire original, plutôt que de s'en prendre à ceux qui après les copient-conforme et généralisent leur originalité.

Bref, je continue à suivre vos échanges sur le coton en général (et bien oui, moi ça m'arrange que ça parte sur le MA en général, et sur toute l'Europe, parce que la Picardie, au XVe, je m'en... heu...), parce qu'en textile, vu le nombre de sources archéo chez nous, chaque exemple est un exemple pas si anodin que cela.

:hello:
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bellabre
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lun. mars 21, 2011 11:21 pm

Donc si je comprends bien, sur certains axes d'échange éco, notamment ceux en lien avec l'Italie et l'Espagne, on aurait la possibilité, pour le XVe, de dire que du coton est utilisé, sous forme de futaie (mélange laine/coton si j'ai bien suivi), ca résume bien sans trop sabrer?
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kalima
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mar. mars 22, 2011 10:12 am

ça me parait pas mal, résumé donc forcément raccourci mais pas mal du tout.
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bellabre
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mar. mars 22, 2011 11:17 am

Donc je pourrais en utiliser pour un homme d'armes 1460 en Guyenne, sachant que nombre de Gascons servent ou on servit en Italie, Espagne, jusqu'en Sicile, que Bordeaux est un port où des Espagnols débarquent volontiers, les Italiens y sont implantés, ca me parait raisonnable.
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kalima
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mar. mars 22, 2011 11:42 am

Fais quand même attention au "statut" : le coton, sans dire que c'est grand luxe au XVème, ça semble quand même un tissu qui n'est pas "premier prix". Du coup, je suis perplexe si un homme d'arme peut s'en acheter (à moins que j'ai mal compris les moyens financiers de ce genre de personne, j'imagine que ce n'est guère aisé mais j'ai peut-être tort ?). En fait, il nous faudrait la valeur des futaines.

EDIT : en regardant différentes choses que j'ai en stock, la futaine pourrait être plus abordable et accessible au commun des mortels que je ne le pensais. En fait, on aurait un développement d'une véritable "industrie" de la futaine (tissu de coton et de laine ou de lin, le plus souvent, qui deviendra tout coton à la fin du MA) en Allemagne du Sud au XIIIème.

EDIT 2 :
Une encyclopédie de l'Italie Médiévale indique dans un article que le cotton est un produit de luxe pendant le haut MA mais que sa culture s'est massivement développé en Italie sous l'influence des Musulmans (et, surtout, de leurs techniques agricoles). Il est indiqué ailleurs qu'à partir du milieu du XIIIème, il servait, pur ou en mélange avec le lin, à faire des vêtements peu couteux pour les personnes pauvres, en remplacement de la laine.
Je ne sais pas ce que que vaut la source, je me contente d'indiquer ce que je lis (sachant que c'est en anglais, en plus)
Pour retrouver les infos de départ, ouvrir les liens et faire une recherche avec "fustian" :
http://books.google.fr/books?id=1piMMqj ... &q&f=false
http://books.google.fr/books?id=spKxJeH ... &q&f=false

A priori, on retrouve régulièrement une bascule temporelle au XIIIème siècle : développement rapide et important de la culture du coton en Espagne et en Italie sous l'influence des Musulmans, développement d'une industrie textile incluant du coton dans ces 2 pays + l'Allemagne du Sud.
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bellabre
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mar. mars 22, 2011 12:53 pm

Disons que les hommes d'armes, particulièrement en Gascogne, car on oublie bien souvent que bons nombres de mercenaires à travers l'Europe sont de ces régions, connaissent les fortunes de guerre, dans le sens où, recevoir d'un patis, pillage, rançon, du tissus n'est pas rare... Les ascensions et déchéances font parties intégrante du mode de vie de ces gens.
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kalima
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mar. mars 22, 2011 2:08 pm

OK, dans ce cas, ça me semble envisageable compte tenu de la période, de la zone géographique, des moyens et... du fait que c'est un homme (j'ai lu quelque part que les futaines étaient plutôt utilisées pour les vêtements masculins, même si je ne sais pas d'où sort cette affirmation).
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bellabre
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mar. mars 22, 2011 7:39 pm

Ah oui, côté sexe ca change quelque chose :)
gregoire le guesderon
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mer. mars 23, 2011 4:24 pm

La question reste surtout : où trouver de la futaine aujourd'hui? parce que ce qui est vendu souvent aujourd'hui comme laine/coton est tissé avec un fil mélangeant les fibres de laine et de coton ensemble et faisant un fil mélangé. Or, la futaine médiévale est formée d'une chaîne dans une matière et une trame dans l'autre...et ça...aujourd'hui, c'est difficilement trouvable...
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yrwanel
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mer. mars 23, 2011 7:10 pm

Trouvable... sur commande, tissé main: fils de l'arz! :top:
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