Après l'entrée de l'époux chez les Hospitaliers

[Pierre de Mirmande]

Comment s'organise la vie au château ? Est-ce l'aîné des fils qui prend possession de la seigneurie ? Et si ce dernier est encore enfant ?
Et le tout dans un contexte méridional du milieu du XIIe siècle...

[yrwanel]

Le sud, je ne sais pas..
Plus au nord, quand Monsieur part à la baston ou aux croisades, Madame reprend les rennes du château: de toute façon, les dames étaient toujours les grandes intendantes, donc gestionnaires.

On a à ce sujet, le cas d'Etienne de Boulogne, parti aux croisades, et dont il reste une partie de la correspondance échangée avec sa femme.

En échange, l'Eglise a offert une "protection" dans les cas où Monsieur partait aux croisades (ou se faisait hospitalier): défense d'aller attaquer le château dont le patron était absent (pas certaine que ce fût toujours respecté).

[Pierre de Mirmande]

Merci Yrwanel, je vais peut-être trouver dans un article traitant de la vie locale d'un grand maître du XIIIe originaire du même coin.

[yrwanel]

De rien.

Je sais que il y a... ouhouhouhouh.. j'avais lu un bouquin, lequel parlait, entres autres, du "statu" (ou des us et coutumes) concernant la femme, y compris noble, soulignant des différences entre "nord" et "sud" (Catalogne c'est encore différent), mais, joies de l'Alzheimer précoce, j'avoue ne plus me rappeler le titre du bouquin...

[isfandyâr]

Excellente question, Pierre, que celle du seigneur absent, et de qui occupe, gère, organise le château. Le sujet reste totalement à étudier et c'est d'ailleurs une grosse lacune dans l'historiographie.. Une fois de plus, seuls les anglo-saxons ont un peu avancé sur la question.... pour l'Angleterre évidemment ^^ Voir notamment l'article éclairant de
J.H. Round, "The Staff of a Castle in the Twelfth Century', English Historical Review, xxxv (1920), p. 90-7.

Outre le fait qu'il puisse partir à la croisade ou d'entrer dans les ordres militaires, l'auteur considère que le seigneur est en déplacement permanent et qu'il passe beaucoup moins de temps dans son château qu'on pense. Lorsqu'il est absent, Round étudie plusieurs types de personnes et officiers qui s'occupent de la gestion. A commencer par le "châtelain", castellanus, qui n'est pas forcément le seigneur lui même, loin de là, mais plutôt un gérant, un seigneur en second. Il s'agit souvent d'un membre de la famille (l'aîné est en général choisi mais attention à ce cliché, car les systèmes de transmission vassalique ou de désignation du responsable peut changer selon les époques et les régions) ou d'une personne nommée par le suzerain.

En outre, la fonction qui revient systématiquement, c'est celle de "clerc" du seigneur chargé du château. C'est très fréquent en Angleterre (XIIe-XIIIe), et attesté aussi en Normandie et en Aquitaine (cela ne concerne pas les toutes petites maisonnées ou les seigneuries très modestes, bien sûr). Ce dernier est vraiment chargé de la trésorerie, écriture d'actes, gestion du domaine.

D'autres fonctions sont étudiées à la lumière des sources comme celle du "portier" (beaucoup plus importante que prévue...) mais ce dernier a sans doute un rôle moindre dans la partie gestion et pris en main de la seigneurie, donc ça ne t'intéresse pas forcément.

J'espère en tout cas que ça aura affiné ta recherche !

Ys

[Pierre de Mirmande]

Merci Ys, ça peut m'éclairer effectivement. Je n'ai rien trouvé mais un gars a recueilli, année après année, tous les actes médiévaux dans mon secteur précis. Je vais y jeter un œil du coup...

[isfandyâr]

Après une petite recherche dans mes dossiers (je me disais bien aussi que je l'avais en ma possession), j'ai trouvé l'article de Round cité précédemment, si ça t'intéresses, je te l'envoie en pdf. N'hésites pas à me donner ton mail via MP !

Ys

[Pierre de Mirmande]

Me revoilou...
Merci Ys.
J'ai trouvé des actes du XIVe qui indiquent que les veuves de seigneurs locaux gèrent leur domaine comme des grandes. Rien trouvé dans ceux du XIIe.

[aurélien]

Je suis passé à côté de ce topic mais ton article m'intéresse beaucoup Isfandyâr

[yrwanel]

des pistes:
La Femme au Moyen Age de Jean Verdon
BERTINI, F., CARDINI, F., Les femmes au Moyen Âge, Coll. La Vie Quotidienne, Paris, Hachette, 1991.
DUBY, G., La femme dans les civilisations des Xe et XIIe siècles (Colloque 1976), Cahiers de Civilisation Médiévale, 1977.
DUBY, G. et Perrot, M. (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. 2 : Le Moyen Âge (sous la dir. de Chr. Klapisch-Zuber), Paris, 1990.
DUBY, G., Enquête sur les dames du XIIe siècle, Paris, 1995.
DUBY, G., Dames du XIIe siècle, Tome III, Ève et les prêtres, Paris, 1996.
VERDON, J., << Les sources de l'histoire de la femme en Occident aux Xe-XIIIe siècles >>, Cahiers de Civilisation Médiévale, 1977, 2-3, p. 219-252.
VERDON, J., La Femme au Moyen Âge, Paris, 1999.

[aurélien]

Oula ... Les livres que tu cites ont une vocation trop générale pour la question hyper précise de Pierre de Mirmande.
Il n'y aura pas d'info satisfaisante dans les Duby. Peut-être celui de Verdon que je ne connais pas.

Pour les autres, je suis pratiquement sûr qu'il n'y trouvera rien.

[yrwanel]

J'ai des Verdon sur le statut de la femme, épuisés.
Que la femme se retrouve veuve ou avec un époux "démobilisé" (ce qui est le cas si l'époux devient moine peu importe où):
- elle devient gérante des domaines (en moyenne c'était le boulot féminin: gestion des ressources...), avec un éventuel support SI un inévitable "guignol" décidait de venir attaquer les domaines.. Période croisades, l'Eglise assurait cette "protection": toute personne qui attaquait un domaine dont le seigneur était parti en croisade pouvait s'attendre à de très solides sanctions.
- les domaines propriétés propres de la femme: elle gérait.. (voir Alinénor d'Aquitaine).
- commerce et bourgeoisie: il faut voir suivant la région.. dans le nord, la femme peut conclure affaire (=> être "marchande": on connait des actes notariés où madame est plus riche que son conjoint!), faire partie d'une guilde, reprendre le métier (sauf certaines exceptions, dont la boucherie): médecin, apothicaire, chaudronnière, etc.. .
Les actes notariés (achat- vente, etc.) peuvent être signés par Monsieur OU Madame (en son nom propre) OU communs => les DEUX signatures y figurent.

La situation a commencé à se gâter sous St Louis et est aller en s'empirant au fur et à mesure.

[isfandyâr]

Attention à Verdon, et précisément ses travaux de début de carrière (dont ceux sur le statut de la femme). Il a eu parfois tendance, un peu comme Jacques Heers ou Favier, à puiser des exemples un peu partout et à n'importe quelle époque pour dresser un tableau général de la situation, alors que cette dernière est beaucoup plus complexe.

Que les reines aient géré les domaines, ça me paraît assez compréhensible. L'exemple d'Aliénor d'Aquitaine me semble bien loin de la situation des femmes de seigneurs plus modestes, par contre.
Que la femme du seigneur signe des actes notariés, des actes de vente, etc... c'est effectivement le cas mais ce n'est sans doute pas le cas partout.

Quand au fait que ce soit la femme qui gère l'ensemble des domaines de tous temps et à toute époque lorsque son mari entre dans un ordre militaire, je ne suis pas vraiment d'accord. Il y aurait beaucoup de nuances à apporter selon les coutumes, les régions, les systèmes de transmission du patrimoine foncier et de délégation vassalique.

Contrairement à l'idée reçue, Il reste, à mon sens, encore beaucoup de travail dans le domaine et tout n'est pas franchement résolu ! A creuser !

Ys

[yrwanel]

Actes notariés et contrats: c'est mentionné dans la "femme au temps des cathédrales" de Pernoud.

[Graaf von Holland]

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