realisation forge med

[beraud de mercoeur]

Ma question n'était pas idiote et je te remercie d'avoir répondu franchement.

Je me pose la question : là nous parlons de soufflet, mais depuis que je traîne mes guêtres et cela dure depuis longtemps, sur les animations, les campements, les fêtes et que je croise des reconstituteurs soi-disant très pointus, je ne vois aucun forgeron qui a crée et fabriqué tout son matériel. Déjà les foyers, briques réfractaires industrielles alors que l'on peut utiliser de l'argile ou même certains sables. Les marteaux, les masses, les pinces, outils divers et variés, limes, ciseaux et autres, les systèmes de ponçages, des meulage et d'aiguisage. Pour les enclumes n'en parlont même pas.

Hors si certaines choses sont difficilement réalisables comme l'enclume justement, le reste est faisable avec du temps et de la patience. On trouve des pierres à grains différents beaucoup plus efficaces qu'une meule à eau de nos grand'pères, etc....

Je dis ça pour montrer que la reconstitution a ses limites, moi-même je reconnais dire parfois des choses qui ne sont pas toujours justes, mal exprimées ou mal comprises (le net a des limites).

Nous devons donc tous rester humbles, quelles que soient notre formation et nos compétences, car tôt ou tard ce que nous avançons sera contredit.
Et puis je crois qu'il faut laisser leur chance aux gens, les laisser s'exprimer et apprendre. La forge fait partie de ces métiers qui font appel à des connaissances scientifiques probablement plus grandes que d'autres métiers du MA.

Je pense donc qu'il faut que chacun essaie de se réaliser avec ses moyens, ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas essayer de le guider. Parce que je suis convaincu que si la recherche peut faire avancer les choses, les artisans le font aussi.

Pour ma part je ne suis qu'un observateur et un lecteur attentif qui ne prétend rien savoir faire de ses dix doigts, mais qui aime aiguillonner ceux qui ont du talent pour les aider à aller plus loin.

[oriabel]

Rolland de Glabbecke a dit :

LASTOURRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRrrrr
Ou-t'es, mécréant ?

D'où sors-tu cette enluminure ?

Mattez la forge ...

Dessin d'un traité d'astronomie : forgerons au travail. Flandre française (XIVème) Ms Sloane 3983, fol 5 r. British Museum

[etienne de champaigne]

Pour répondre à Beraud :

j'essaie au maximum de fabriquer mes propres outils (d'orfèvrerie, je précise; mais les deux métiers se rejoignent sur bien des points),
d'une part car je ne puis les trouver dans le commerce: genre les limes à former les filigranes, qui sont creusées en rond sur le plat inférieur et coudées vers le haut au niveau du manche (va trouver ça dans le commerce...!)
et d'autre part pour adapter l'outil à ma main: s'il m'arrive de dénicher un marteau sur une brocante, je lui change le manche dans la foulée.

Et puis viennent les limites, comme tu l'as si bien dit Beraud (je trouve ton texte vraiment bien ressenti):
dans ce cas là, je fais sans, jusqu'à avoir trouvé la solution.

[tournevase]

pour éclaircir le débat peut-on distinguer deux types de soufflets

- installation avec 2 soufflet identiques déphasés d'une demi période quand un aspire l'autre refoule
somme des deux = souffle continu *

* : mais il y a des temps morts sans refoulement (plein déployé plein replié) pendant un temps qui est loin d'être négligeable
il faudrait 3 soufflets pour lisser le débit

- installation avec un soufflet à reservoir incorposé comme le mien
là je ne sais pas de quand ça date et ça m'intéresserait de le savoir

pour le conquérant lorsque je lui disais qu'il pouvait ajouter un réservoir ce n'était pas pour forcer une historicité quelconque mais parce que c'est techniquement faisable sans trop de modifications

[vuillem]

Tournevase a dit :
- installation avec un soufflet à reservoir incorposé comme le mien
là je ne sais pas de quand ça date et ça m'intéresserait de le savoir

XVIIIeme ou XIXeme.Mais, il faudrait évidemment creuser un peu.

[vuillem]

Pour répondre aussi à Béraud,
en ce qui concerne notre atelier de fabrication de monnaie. Nous avons fait une grosse partie des briques en argiles du foyer. Nous avons bien évidemment conçu la totalité du foyer et du système de ventilation. Les autres éléments céramiques (creusets, tuyères, lingotières) sont réalisés en collaboration avec Véroniques Durey à partir de documents archéo. La pince à creuset a été forgé par un membre de l'association, le marteau pour frapper les monnaies a été réalisé par Régis Aranda à partir d'iconographies. Nous fabriquons l'alliage monétaire que nous frappons. Nous avons comme objectif d'acquérir suffisemment de gestes techniques pour pouvoir présenter la chaîne opératoire en démonstration tout en proposant un discours sur les monnaies au Moyen Age.

Enfin, pour répondre à l'histoire des reconstitutions de forge "soi-disant très pointus", je tiens quand même à signaler que Gisenpaille a forgé 95% de ces outils, à conçus une forge à soufflets alternés et un bac en bois remplie d'argile. Seul le système de soufflerie arrive par en dessous, mais il forge au charbon de bois quand on lui demande. Yannick Epiard fait a peu prêt pareil. Il y en a d'autres probablement qui font l'effort d'être proche des sources.

Effectivement, il est important de dire ses limites. Et surtout, le plus important, ne pas hésiter à le dire au public qui assiste à nos animations. Par exemple, lorsque nous montrons l'atelier monétaire, on explique que ceux du Moyen Age était dans des bâtiments en dure avec des foyers qu'on ne déplaçait pas. Par contre, on peut expliquer que notre système de ventilation est avéré dans des sources. Donc, tout à fait d'accord avec l'humilité, l'erreur consiste à affirmer "la vérité vrai"...

[beraud de mercoeur]

Les systémes de soufflets posent un gros problème pour la réduction et surtout le fonte de bronze. Dans ce dernier cas et même avec un énorme soufflet à double action, il a fallu plus de 5 heures pour amener à la fusion 30 kg de bronze et s'en s'arrêter de souffler. En 2003 nous avons fondu des cloches, dont la plus grosse pèse 50 kilos, mais impossible de faire monter la température sans une soufflerie électrique. Il faut dire que c'était une première, réalisée par un fondeur professionnel et même un exploir car pratiquement plus personne ne sait faire et les deux entreprises qui fondent encore des cloches en France refusent de donner leurs techniques, même celle qu'ils n'utilisent plus.
J'ai vu un reportage d'une heure sur la réduction de minerais par les Dogons au Niger ou au Mali, ils n'utilisent aucun soufflet, mais seulement huit tuyères en argile réparties tout autour et en bas du four et qui suffisent à faire monter la température sans aucun apport d'air mécanique.
Probablement que la réduction se faisait aussi chez nous de cette façon.

Pour la monnaie nous avons tourné le problème cet été en frappant avec une presse à balancier, connue depuis 1440 environ et autorisée en France seulement à la fin du XV°. Il faut reconnaître que c'est impressionnat par rapport à la frappe au marteau. Je précise qu'il s'agissait d'une animation XV°

[vuillem]

Beraud de Mercoeur a dit :
J'ai vu un reportage d'une heure sur la réduction de minerais par les Dogons au Niger ou au Mali, ils n'utilisent aucun soufflet, mais seulement huit tuyères en argile réparties tout autour et en bas du four et qui suffisent à faire monter la température sans aucun apport d'air mécanique.
Probablement que la réduction se faisait aussi chez nous de cette façon.

Pour la monnaie nous avons tourné le problème cet été en frappant avec une presse à balancier, connue depuis 1440 environ et autorisée en France seulement à la fin du XV°. Il faut reconnaître que c'est impressionnat par rapport à la frappe au marteau. Je précise qu'il s'agissait d'une animation XV°

Cette exemple de réduction africaine est dit à "tirage naturel". Je participe à un projet commun de recherche (PCR) du CNRS sur les sysèmes de ventilation dans les fours. Autant ce tirage naturel est attesté clairement en Afrique, autant il n'y a presque rien la dessus en Europe. Même si il semble probable que la tirage naturel a été pratiqué en Europe, il n'existe quasiement aucu indice archéologique qui abondent dans ce sens. Ces quelques indices correspondent plutôt à l'Age du Fer. Pour ce qui est de la forge, il est plus dure de ce passer de soufflet. Serge Adrover, le faiseur d'arbalète et de coins monétaire, dit que ça forge est gauloise est fonctionne en tirage naturel.

Pour ce qui est de la frappe au balancier, je suis très surpris. Les monnaies de Paris disent que le frappe au balancier a été inventé en 1550 par l'orfèvre allemand Marx Schwab et quelle se généralise en 1645. En outre, la fouille archéologique de l'atelier monétaire de la Rochelle daté du XVIeme-XVIIeme siècle ne montre pas de l'utilisation de ce tyep d'appareil. Enfin, l'iconographie XVIeme sur la frappe de monnaie que j'ai pu voir ne montre pas non plus ce type de technique. As-tu des indices sur la date de 1440 ?

[etienne de champaigne]

vuillem a dit :

Autant ce tirage naturel est attesté clairement en Afrique, autant il n'y a presque rien la dessus en Europe. Même si il semble probable que la tirage naturel a été pratiqué en Europe...

Pour apporter de l'eau au moulin, dans le "Tractatus de diversarum artium" (fin XIIème), un four de fonte que je met en place :

"...on mettra des charbons ardents (dans le four) mêlés d'autres éteints: bientôt, le vent pénétrant par les ouvertures de dessous, sans le secours du soufflet,fait jaillir les flammes; et tout ce qu'on y place de métal se liquifie sur-le -champ de lui-même..."
Donc, selon le moine Théophile, il semblerai bien que l'on est utilisé des fours à ventilation naturelle en occident à la fin du XIIème siècle. La ventilation se faisant par dessous: la "sole" du foyer, montée sur quatre pierres, étant percée d'une multitude de trous.

[vuillem]

etienne de champaigne a dit :
Donc, selon le moine Théophile, il semblerai bien que l'on est utilisé des fours à ventilation naturelle en occident à la fin du XIIème siècle. La ventilation se faisant par dessous: la "sole" du foyer, montée sur quatre pierres, étant percée d'une multitude de trous.

Oui, tout à fait, Nicolas Thomas a fait effectivement la démonstration à Saint Denis du fonctionnement de ce type de four. En fait, je faisait référence aux bas-fourneaux pour qui lesquels c'est vraiment beaucoup moins clair. Il y a un étudiant qui fini sont Master 2 sur la question des fours à ventilation naturelle, Simon Pellequer.

[etienne de champaigne]

interessant, interessant !

[Réchignac]

continuer comme ça. J'aime les débats de ce genre ou j'apprend des trucs que j'ai pas le temps de fouiller mais que vous faites à notre place. Encore merci.

[beraud de mercoeur]

Dans un post du printemps nous avions demandé des sources sur l'utilisation de la machine à balancier, je ne retrouve plus celui-ci, mais certaines réponses parlaient d'avant 1440 pour les premières utilisations et des environs de 1485 pour l'autorisation en France. Ces sources ont été collectées par une élève de l'école Boule à Paris qui a créé les matrices pour une médaille pour l'assoc. Dans l'Est et en Allemagne il semblerait qu'on retrouve encore des balanciers du XV°. Ils ont mesuré la pression avec celui qu'un prof de Boule nous a prêté, il arrive à 40 tonnes et peut frapper sans problème des pièces d'argent. Ce type de balancier a été utilisé jusqu'à la fin du XIX°.
Nous avons essayé le systéme que décrit Etienne (le four monté sur quatre pierres)pour fondre les 30 kilos de bronze, mais impossible de monter suffisament la température.
J'avoue m'être intéressé un temps aux fouilles de Bibracte où a été retrouvé un atelier de bronzier du I° siècle, dedans l'atelier il y avaient 8000 fibules. Ils utilisaient la technique de la cire perdue, mais pour l'instant je ne sais rien sur le système de ventilation. Les documents que je possède datent de 98, peut-être ont-ils fait depuis de nouvelles découvertes.

Lorsque j'ai parlé de tirage naturel pour la réduction, je ne pensais pas à la forge.

En rédusction de minerais avec la technnique catalane, ils utilisent bien des soufflets et les vieux forgerons ventilent directement dans le foyer de forge pour l'affinage des loupes. Enfin ceux qui le refont. J'avais fait un reportage photo sur ces reconstitutions à Arles Sur Tech (PO), chez Ferdinando Nava, mais c'est lui qui a les photos. C'est très impressionnant aussi bien le four que la forge d'affinage.

[vuillem]

C'est dommage que tu ne puisses pas en dire plus sur les balanciers aux XVeme.

Pour les forges à la catalane, ils utilisent aussi un système de ventilation hydraulique avec une trompe.

Au passage, pour revenir au sijet initial, cet après midi, j'ai lu dans "le fer" de M. Mangin que les orifices de ventilation par en dessous dans les forges apparaissent à la fin du XIXeme siècle

[beraud de mercoeur]

le soufflet à deux cylindres alternés, c'est le système qu'utilise Nando Nava.

Pour les balanciers je vais essayé d'en savoir plus, plus précis je veux dire.