Ah ben si vous aimez Brussolo et Jehan de Montpéril, il y a sa première aventure à lire aussi. En voici une critique que j'avais rédigé pour mon site de chroniques littéraires, Le Chat Noir :
POLAR MÉDIÉVAL
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LE CHATEAU DES POISONS
Serge Brussolo
Livre de poche, 310 p. 4 €.
Voici le superbe récit des aventures de Montpéril, un chevalier promu détective dans un château où une malédiction semble emporter tous ses occupants. L’ambiance noire de cette histoire médiévale sombre et violente intensifie le suspense d’un véritable roman policier qui a le charme suranné des gestes.
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Rien ne destinait Jehan, modeste bûcheron à connaître dangers et infortunes : c’est en s’illustrant un beau jour sur le champ de bataille par de hauts faits d’armes que son seigneur décide de l’adouber avant de rendre l’âme. Chevalier sans bien ni fief, le croquant devient Jehan de Montpéril, mercenaire errant vivant d’escortes et de petites missions... Jusqu’au jour où il échoue au château de Kandarec en compagnie d’un moine borné et d’Irana, une femme troubadour charmeuse qu’il était chargé de protéger. Mais tandis qu’il s’apprêtait à repartir, un terrible événement survient : le seigneur meurt empoisonné la veille de son mariage. C’est le coup d’envoi d’une horrible tragédie : de bûchers en tortures, d’apparitions monstrueuses en empoisonnements massifs, d’exécutions aveugles en paranoïa générale, Kandarec devient bientôt un lieu sinistré en proie au Mal absolu. Amoureux d’Irana, obsédé par la vérité, et sans cesse menacé, Jehan est obligé d’enquêter. Fausses pistes, témoignages énigmatiques, meurtres : son investigation est semée d’embûches tandis qu’une volonté implacable et toute puissante semble contrôler les funestes événements... C’est peut-être trop pour un vieux mercenaire bûcheron nettement plus rompu au fracas des épées qu’au jeu de la déduction.
Quelques vieilles expressions, une pincée de "vieux françois", un souci de la description gothique et un sens du drame formidable : il n’en faut pas plus à Serge Brussolo pour transporter le lecteur huit siècles en arrière dans un voyage sinistre mais délicieusement bien orchestré. De rebondissements en thèses inexactes, le secret de l’intrigue est bien préservé et fait, lors de sa révélation, l’effet d’une douche froide ! Magistral !
Bien plus qu’un polar médiéval, ce "château des poisons" est également un remarquable roman gothique, une étude pertinente sur les faux-semblants de l’âme et surtout, un regard noir sur la société médiévale... Une société qui autorisa le fanatisme religieux de l’époque à ouvrir la voie au mal en croyant le tuer : une idée déjà exploitée dans "Hurlemort" mais de manière nettement moins perverse qu’ici.
C’est inévitable : en se plongeant dans "Le château des poisons", on éprouvera la peur et l’angoisse, de l’affection et du dégoût pour certains personnages, mais l’on sera surtout dupe d’une fascinante machination. Et les auteurs qui parviennent à abuser leurs lecteurs tout en piquant leur imagination ne sont pas si nombreux...