Et s'il y a une telle variété dans les modèles d'épées de la typologie d'Oakeshott, c'est justement qu'elles ne sont pas toutes destinées au même usage/contexte, non ?
Ou peut-être qu'elle sont issus de divers forgerons/ateliers qui n'ont pas les mêmes "standards".
En parlant de ça... Bon, je ne suis pas un spécialiste de l'épée au Moyen Age et je suis bien conscient que tu dois en connaitre un sacré rayon de plus que moi...
Il me semble que les épées d'une époque donnée (médiévale s'entend) sont relativement uniforme quelque soit le lieu ou on les retrouve.
Néanmoins, on a tout de même des petites variations typologiques qui si elles ne sont pas forcémment d'origine géographique, peuvent très bien correpondre à des usage de fabrication de tel ou tel atelier, voire à des goûts de certains ateliers ou forgerons.
C'est pareil pour les épées gauloises (que je connais beaucoup mieux), qui sont toutes, par rapport à leur morphologie générale, remarquablement semblables, mais qui peuvent présenter de légères variations de formes et de poids d'une trouvaille à une autre.
Faire gaffe aux typologies, aussi, qui sont conçues comme des repères archéologiques destinés à dater tel ou tel site, mais qui établissent des cloisonnements qui ne correpondent pas forcémment à une réalité.
Bref, tout ça pour dire que je pense (mais je peux certainement me tromper...) que vouloir donner une fonction à une arme ancienne en fonction de sa mophologie ou de son poids est légèrement anachronique, et ce pour plusieurs raisons:
- il n'y a pas de standardisation de la production.
- Nous pensons de manière contemporaine, c'est-à-dire par rapport à un monde ou la majorité des objets que nous utilisons sont produits à la chaîne et sont donc extrêmement standardisés.
- Rentre en compte aussi nos rapports aux armes, en particulier en France, ou les armes sont quasi réservées à des professionnels (police, militaire) bien spécifiques. L'arme est pour nous (la plupart d'entre nous), un objet peu banal. Je pense que cette distinction civile/professionnels est très récente et n'existait pas au Moyen Age, ce qui nous pousse à avoir des réflexions anachroniques, bien malgré nous.
Il est clair que l'on peut attribuer une fonction d'une arme à une autre en fonction de sa forme, mais pas au sein d'une même arme entre plusieurs exemplaires.
Vois tu, le FAMAS et le M16 ont une forme trop différente pour avoir la même fonction..."
Voilà, exactement. Ces deux armes ont une morphologie très différente et pourtant ont exactement la même fonction.
Après, l'une est plus efficace que l'autre, et à ce niveau, oui, on peut se baser sur sa morphologie pour déterminer l'efficacité d'une épée.
Par son poids, son équilibre, la qualité des métaux...etc, une épée peut être plus efficace qu'une autre, mais ça ne détermine pas son origine sociale ou sa fonction.
le berretta 92 qui équipe les policiers (arme "civile") d'un coté, et les fusils d'assaut 5.56 pour les militaires.
Je pense que ce genre de comparaison ne tient pas. Je n'apprend à personne que le monde médiéval était très différent du nôtre au niveau des mentalités et de l'organisation sociale et politique. Le rapport aux armes n'était donc pas du tout le même.
Au Moyen Age (au moins avant le XVème)pas d'armée de métier, et pas de forces de l'ordre non plus. Les milices urbaines, par exemple, étaient à la fois une police et une armée, et je doute qu'ils aient possédé deux équipements correspondant à leurs deux fonctions.
Et enfin, la guerre au Moyen Age étant omniprésente, c'était une réalité beaucoup moins lointaines que pour nous. Il n'y avait pas je pense cette dichotomie entre armes de guerre et armes "civiles", car il s'agit d'une façon de penser contemporaine... A mon avis en tous cas, mais je ne demande qu'à être convaincu.
Tancrède, tu parles de révoltes paysannes : peux-tu m'en citer ? Je ne crois pas en avoir trouvé trace avant la Renaissance (exception faite d'un ou deux exemples au XIVe-XVe, contexte guerre de 100 ans)
Alors, je n'ai pas de sources précises en tête maintenant, j'essayerai de les retrouver plus tard.
Les "petits exemples" du XIVème siècle ont peut-être été les pires révoltes paysannes en France de tout l'Ancien Régime. Les jacqueries des années 1350-1360, ont été les premières, en effet, à mobiliser une part aussi importante de la population.
A certains moments, c'était quasiment une révolte généralisée en Ile de France, dans le Nord et en Bourgogne, voire dans le Nord de l'Aquitaine. Même si il n'y avait pas de coordination entre les différents mouvements (voir le bouquin sur la Guerre de Cent Ans de Favier ou même d'autres, sur les grandes jacqueries du XIVème siècle).
Localement, en France toujours, il y a eut des révoltes sporadiques pendant toute la guerre de Cent Ans. Et je parle bien de "Jacqueries", de révoltes paysannes.
Les principales jacqueries de la guerre de Cent Ans:
- 1358: La grande Jacquerie: révolte quasi-générale contre la noblesse, qui avait prouvé son inefficacité à Poitiers en 1356.
- Révolte des Tuchins en 1381-1384: révolte qui embrase tout le Languedoc contre les prélèvements fiscaux et la présence des grandes compagnies.
- Révolte des paysans du Kent en 1381: revendication de l'abolition du servage par plusieurs dizaines de milliers de paysans anglais.
Après ces révoltes, bien que paysannes, étaient bien souvent entretenues par des puissants dans leur propre intérêt (comme Etéienne Marcel en 1358).
Pour des périodes plus anciennes, j'ai moins d'exemples en tête. Le terme de jacquerie n'existait pas et les sources sont moins claires sur les origines sociales des révoltés. Mais il me semble qu'il y eut de grands mouvements populaires en Angleterre juste avant la promulgation de la Magna Carta vers 1214. Il me semble avoir lu quelque part la mention de révoltes paysannes au XIème siècle dans le centre de la France (qui s'étaient terminés dans un bain de sang pour les révoltés d'ailleurs).
Et il s'agit juste des révoltes paysannes. Les villes, et notamment les villes flamandes, étaient très turbulentes. Mais elle disposaient, on est d'accord, de milices armées, qui ont même mis en déroute la chevalerie française à plusieurs reprises au début du XIVème siècle.