Beraud de Mercoeur a dit :
Contestation :
quand au métal manquant de propreté au XII°, il faudrait se rappeller peut-être la très haute technicité des forgerons qui depuis deux mille ans savaient reproduire le même acier à volonté... l'augmentation de la production de métal ne vient pas du fait que les forgerons sont devenus plus intelligents au XIV° mais bien parce qu'ils ont su domestiquer l'énergie hydraulique, inventer le martinet et surtout construire des fourneaux plus hauts et plus facile à alimenter en air, donc augmenter la température jusqu'à atteindre la fusion, chose impossible en bas fourneau...
Alors, comme le dit Blacksmith, "renseigne toi avant de dire des bétises plus grosses que toi". Si je me permet d'évoquer les problèmes d'impuretés dans la tôle médiévale, ce n'est pas parce que je claque des doigts pour inventer n'importe quoi. J'émets l'hypothèse de travail des difficultés à produire de la tôle médiévale parce que j'ai écris un mémoire de 200 pages sur la question pour obtenir ma maîtrise en archéologie. Et si tu penses que je ne suis pas assez technicien en tant qu'archéologue, j'en profite pour te signaler que mes travaux ont été encadrés par deux chercheurs en métallurgie ancienne, ingénieur-métallurgiste de formation, directeurs de recherches au CNRS. En outre, j'ai aussi écrit un mémoire de 150 pages sur la production du fer en bas-fourneau à la fin du Moyen Age en Bretagne pour obtenir mon DEA. Et actuellement, je fais une thèse sur un ensemble de sites archéologique de métallurgie du fer en bas-fourneau. Donc, je sais que ça fait prétentieux d'écrire tout ça, mais il me semble que lorsque je parle de métallurgie du fer aux périodes anciennes, je ne me suffis pas de quelques idées reçues de l'air du temps.
Oui, les métallurgistes médiévaux sont de très bon techniciens qui maîtrise leur art, non le métal médiéval n'est pas aussi propre que tu l'écris. Pour développer, la propreté du métal employés dépend surtout des objets à produire. Les fers à cheval et les goujons de statues sont "dégueulasses" en terme d'inclusions non métalliques, de porosités et d'hétérogénité. Par contre, les aciers de certaines armes sont très propre.
Et pour ta gouverne, le développement de l'utilisation de l'énergie hydraulique au XIIIeme siècle et le développement des plates ne coïncident pas avec l'apparition du haut-fourneau à la même époque. En France, il faut attendre le milieu du XVeme pour voir les haut-fourneaux s'implanter. Par contre, effectivement, l'utilisation de l'hydraulique est essentiel pour ce nouveau procédé.
Ce qui est plus probable mais qui reste encore à démonter, c'est que le dévelopement du martinet hydraulique va permettre de d'améliorer les techniques d'épuration du métal et donc pourrait avoir un lien avec l'apparition des plates d'armures.
Pour ce qui est du métal et de son impureté, j'ai pu analyser des plaques de brigandine de la fin du XIVeme dont certaine présentaient jusque 40% d'inclusions non métallique. J'ai étudier des éléments d'armure du début du XVIeme siècle dont le métal se compose de fer et d'acier doux, qui ne présente aucune trempe et montre 10 à 15% d'inclusions. Dans les travaux de A. Williams, il montre un élément d'armure du XIVeme qui a été trempé alors qu'il ne contient pas d'acier. Alors, quant à cette soit disante supériorité technique, il faudrait apprendre à relativiser et surtout à s'intéresser à ce qu'on sait réellement.
Et pour s'intéresser, je peux donner une bibliographie de plus de 150 ouvrages et articles sur la question. En voici quelques uns à lire :
AGRICOLA (G.) (1556), De Re Metallica, 1556, traduction Albert France-Lanord, deuxième édition, Paris
ARNOUX (M.) (1993), Mineurs, férons et maîtres de forges, études sur la production du fer dans la Normandie du Moyen Age, XIeme-XVeme siècle, Paris
BENART (J.), MICHEL (A.), PHILIBERT (J.) et TALBOT (J.) (1969), Métallurgie générale, Paris
BENOIT (P.) et FLUZIN (P.) (1995), Paléométallurgie du fer & cultures : actes du symposium international pour la sidérurgie ancienne de l'Union internationale des sciences préhistoriques et protohistoriques, Belfort, Sévenans, 1-3 novembre 1990, Paris
DILLMANN (P.) (1996), Diffraction X, Microdiffraction X et Microfluorescence X sous Rayonnement Synchrotron et analyses comparées pour la caractérisation des inclusions. Application à l’étude de l’évolution historique des procédés d’élaboration des objets ferreux (procédés direct et indirect), Thèse de doctorat, Paris
DILLMANN (P.), FLUZIN (P.) et BENOIT (P.) (1996), « Du fer à la fonte, nouvelles approches archéométriques », in : L’innovation technique au Moyen Age, Actes du colloque du VIème congrès international de la société d’archéologie médiévale, Paris
FLUZIN (P.) (1983), « Histoire des techniques, Notion élémentaires historiques de sidérurgie », in Mémoires de la société des Africanistes, n°9, pp. 13-44
MANGIN (M.) (1994), La sidérurgie ancienne de l’Est de la France dans son contexte Européen, colloque de Besançon, 10-13 novembre 1993, Paris
MANGIN (M.) (2004) (sous la direction de), Le fer, collection « archéologiques », Paris
MOHEN (J.P.) (1990), Métallurgie préhistorique, introduction à la paléométallurgie, Paris
SERNEELS (V.) et MANGIN M. (1996), “Sidérurgie ancienne (age du fer- Moyen Age), les zones productives principales entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénnées, RAE 47, pp.193-195
TYLECOTE (R.F.) (1992), a history of metallurgy, 2eme édition, Londres
WILLAMS A.R., “to what extent can forgeries be detected by metallurgical analysis: A study of some helmets” Rapport. Institut Suisse d’Armes anciennes, 1976-1978,pp. 61-78
WILLAMS A.R., “Manufacture of Armour in German”, waffen und Kostumkunde, Vol.29, N°2, Munich, 1987
WILLAMS A.R., “Slag inclusions in armour”, Historical Metallurgy group, n°24, 1991, pp.69-80
Le monde est déjà saturé de passé, à tel point que le présent peut à peine y trouver ça place (L. Olivier/Le sombre abîme du temps)