Réaliser une aumônière XIIIe siècle 

Aumônière

Sources utilisées

aumônière


figure 1.a : Cathédrale de Chartres – façade occidentale – faces latérales des piedroits - Vices et Vertus – Luxure (photo de l'auteur)

Sources utilisées

Aumônière

figure 1.b : Cathédrale de Chartres -  façade occidentale, portail central, contrefort de gauche - La reine de Saba. La statue a été restaurée, mais l'aumônière reste fidèle à la source dans sa forme et ses dimensions (photo de l'auteur). 

Aumônière
figure 2 : Basilique Saint-Denis – gisant de Clovis (photo Denis Taverne)
Bourse à reliques

figure 3 : Bourse à reliques – début XIIIe siècle – origine sicilienne ? - samit – photo : Die Zeit der Staufer, Katalog dr Ausstellung, Stuttgart 1977, Württembergisches Landesmuseum, Kat.Nr. 789. 

Reproduire un costume implique de lui associer ses accessoires, c'est le rendre « vivant » et le caractériser. Le XIIIe siècle n'échappe pas à cette règle

Parmi les accessoires, les sources iconographiques (figures 1 et 2) de cette période présentent des petits sacs ou bourses attachés à la ceinture et tombant sur la cotte, portés par des femmes et des hommes. Si on laisse de côté les représentations considérées comme symboliques (taille démesurée du sac par exemple, qui matérialise un vice alors représenté par le personnage), on observe que les costumes sont à rapprocher de la noblesse et de la bourgeoisie. Les nombreux exemples du répertoire archéologique (mais rares pour le XIIIe siècle) apportent un éclairage sur leur aspect : en général de petite taille (entre 10 et 15 cm de large et de haut), rectangulaires ou proches du carré, ces sacs sont réalisés soit en toile de lin entièrement rebrodée, soit dans des tissus de soie à motifs, animaliers par exemple (figure 3). Dans ce dernier cas, le décor peut être tronqué, voire disposé en sens inverse. Des cordons complètent la bourse, afin de la suspendre et de la fermer par un système coulissant. Des houppes terminent les cordons et ornent le bas du sac.


Accessoires de la vie civile (à une époque où les vêtements ne comportent pas de poche), beaucoup de ces objets ont été offerts à l'Église et sont publiés sous l'appellation de « bourses à reliques ». Très souvent, ils contiennent encore des ossements, eux-mêmes enveloppés dans un tissu de soie de luxe, comme dans le Trésor de Montpezat.
De fait, leur destination n'est pas toujours clairement définie. Par commodité, cet article les mentionnera sous le vocable d' « aumônières ». Trois exemples ont été recréés selon des techniques identiques, mais seul l'un d'entre eux fait l'objet de ce tutoriel qui propose l'élaboration, étape par étape, d'un modèle en tissu de soie à motifs de médaillons et d'oiseaux. Le contenu de ce dossier se veut donc d'abord pratique, avec des propositions techniques qui n'engagent que son auteur. Certains aspects relèvent de l'interprétation, faute d'informations précises sur la documentation archéologique.

1- Recréer une aumônière pour qui et pour quel usage en reconstitution ?

Objets de luxe semble-t-il, les aumônières que j'ai réalisées sont donc destinées à des personnages appartenant à la noblesse, voire à la très haute noblesse pour le modèle aux oiseaux. Les conditions de leur utilisation nécessiteraient des recherches approfondies, ce qui m'incite à une certaine prudence en reconstitution : je ne porte donc cet objet que lorsque je suis dans un contexte religieux, comme ici, sur le point d'entrer dans la cathédrale de Reims pour la messe  (figure 4).

2 - Quels sont les matériaux utilisés ici ?

C'est uniquement de la soie :  un tissu façonné a été placé en extérieur, tandis qu'un taffetas de soie bleu foncé constitue la doublure. Les coutures, les cordons ainsi que les houppes sont réalisés au fil de soie (mais le fil de lin non teint est aussi envisageable). 

3 - Quel point de couture a été utilisé ?

C'est le point de surget. Il sert à joindre la soie extérieure à la doublure, puis à réaliser la couture de jonction du sac, en bas et sur le côté.

4 - Comment les cordons ont-il été fabriqués ?

Deux techniques ont été utilisées :  les 3 cordons de suspension et 2 paires de cordons de serrage sont faits aux doigts et présentent une section circulaire. La dernière paire est en fingerloop à 3 boucles, afin d'obtenir un cordon plat.

5 - Quelles sont les formes et les dimensions ?

Les aumônières sont des rectangles de petites dimensions : 8 x 10 cm et 10 x 12 cm. La longueur des cordons reste variable selon les sources. Ici le cordon de suspension a une longueur totale de 90 cm (en tenant compte de la partie cousue sur le côté de l'aumônière) et les cordons de serrage font 36 à 38 cm de longueur. Les mesures ne comprennent pas les houppes.

6 - Quel processus de fabrication a été suivi ici ?

Ce processus résulte essentiellement de choix personnels et parfois d'impératifs techniques. Il ne s'agit donc en aucun cas de l'application d'un éventuel mode d'emploi historique. Cela sous-entend que l'accès à de nouvelles informations concernant des pièces historiques pourrait modifier le processus d'élaboration présenté ici.

7- Proposition de patron

Les dimensions sont proposées à titre indicatif afin de donner un ordre de grandeur.

Etape 1

Personnellement, je préfère réaliser les cordons d'abord. Comme il m'est toujours difficile d'évaluer la longueur initiale nécessaire pour obtenir celle souhaitée, j'ai l'habitude de faire deux pelotes bien fournies (figure 5).

figure 5 

Etape 2

Je réalise les houppes à l'aide d'un gabarit en carton large de 3,5 cm autour duquel le fil de soie a été enroulé (figure 6). Le nombre de tours est évidemment variable selon la finesse du fil utilisé (ici, 42). Enfin, un fil de soie a été noué au milieu afin de lier le faisceau de fils (figure 7). On obtient une décoration relativement fournie (figure 8). 

figure 6
figure 7
figure 8

Etape 3

C'est la réalisation du sac proprement dite.
Les deux tissus sont posés l'un sur l'autre (figures 9 et 10), envers contre envers, leurs bords sont rentrés puis joints par un point de surjet sur le pourtour de la pièce (figures 11 et 12). On peut observer que la pièce de tissu extérieur ne respecte pas l'intégrité du motif, comme sur un certain nombre de sources (figure 3)

figure 9

figure 10

figure 11

figure 12

En partant d'une extrémité latérale, (figure 13), le 1er cordon de serrage est inséré entre les fibres du tissu extérieur, successivement dessus et dessous, à l'aide d'une aiguille à bout rond (figure 14).  J'ai fait le choix de ne pas traverser la doublure, ne possédant pas d'informations officielles plus précises à ce sujet, en rapport avec des pièces archéologiques. 

figure 13
figure 14

Le second cordon est inséré (figures 15 et 16), en partant du milieu de la pièce de tissu, selon la même technique : les deux cordons de serrage sont alors placés parallèlement et passent dans les mêmes interstices. En repliant le sac (figure 17), on vérifie que les cordons de serrage sont correctement positionnés sur les côtés et coulissent (figure 18).

Enfin, on procède à la couture de jonction le long du côté ouvert et en bas (figure 19). Le sac est formé (figures 20 et 21).

figure 15
figure 16
figure 17
figure 18
figure 19
Aumônière
figure 20
figure 21

Le cordon d'attache est ensuite cousu latéralement en partant d'un angle inférieur (figure 22). Arrivé en haut, il faut veiller  à passer soit sous le cordon de serrage (figure 23), soit au-dessus de lui (figure 24) afin de ne pas bloquer la fonction coulissante.  

figure 22

figure 23

figure 24

La dernière étape consiste à rattacher les houppes aux cordons (figures 25 et 26) par quelques points de couture réalisés au fil de soie, puis à enrouler ce dernier afin d'obtenir une finition propre. 

figure 25

figure 26

Aumônière

figure 27

figure 28

Remerciements : Laurette Estève, Perline la tisserande, Tina Anderlini

Catherine Besson Lagier – avril 2020
Pour les GMA

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