Les chemises au XIIème et XIIIème siècles
Dans le cadre de l'élaboration de costumes pour nos divers projets internes et externes à la troupe, une série de chemises ont été confectionnées, pièces destinées à des personnages de statut modeste à très élevé.
- Cette série de réalisations obéit à plusieurs objectifs.
- Exploiter certains patrons obtenus à partir de pièces archéologiques
- Adapter les types de patrons au statut des personnages évoqués
- Expérimenter certaines techniques de couture
- Maintenir une cohérence dans la réalisation de l'ensemble du costume
Les chemises sont présentées selon un classement « social », du plus petit statut au statut le plus élevé. Elles appartiennent toutes à des costumes complets dont la présentation sera faite prochainement sur le site. Aucune d'entre elle n'est une reproduction exacte des pièces d'origine. Elles se répartissent en « couche 1 » et en « couche 2 ». Autrement dit les premières se portent à même la peau tandis que les secondes se portent sur une première chemise et parfois peuvent dépasser de la cotte portée par-dessus.
La chemise de paysanne vers 1250
C'est une chemise "couche 1".
Matière : chanvre, non teinté, beige foncé, tissé au métier mécanique par "Aux fils de l'Arz"
Patron :
Pour ce type de statut, le postulat de base est la disponibilité d'un lé étroit, large de 50 cm, ce qui oblige à recourir à des godets pour obtenir une circonférence suffisante mais relativement modeste.
L'encolure de la chemise couche 1 est suffisamment échancrée pour ne pas dépasser de l'encolure de la cotte portée par-dessus.
Dimensions : circonférence à la base 1.8 m ; hauteur et largeur des godets : 90 cm et 25 cm
Techniques de couture : à la machine pour les coutures invisibles, à la main pour les coutures visibles (encolure, ourlets). Sur l'envers, les coutures sont rabattues avec couture à la main.
Composition du costume :
Cette chemise entre dans la composition d'un costume formé d'une cotte et d'un manteau à capuche en laine, et dont les accessoires rassemblent une ceinture en laine tissée, une aumônière brodée, un voile en laine.
La chemise de la consoeur de l'ordre de l'Hôpital vers 1190
C'est une chemise couche 1 (figures 5 à 8).
Matière : coton de provenance égyptienne. Tissu fourni par Ali Rakib ali@tashkent.fr.
Patron : Il s'inspire des découvertes archéologiques effectuées entre 1989 et 1991, dans la grotte de Asi-I-Hadath, au Liban, dans la vallée de la Qadisha. Les vestiges sont des momies encore revêtues de pièces textiles dans un parfait état de conservation. Cette grotte a servi de lieu de sépulture à une communauté de Chrétiens Maronites, en 1283.
Le patron adopté ici reprend celui d'une pièce archéologique en toile de coton grège, ornée de bandes brodées de motifs rouges et marron à la hauteur des bras et de la poitrine.
Figure 5
Dimensions de la pièce d'origine: Hauteur : 168 cm ; Longueur de manche : 61 cm ; Largeur aux épaules : 35 cm ; Largeur aux pieds : 106 cm.
Deux remarques s'imposent. La première concerne l'étroitesse générale du vêtement, qui est compensée, en haut, par l'insertion de godets trapézoïdaux afin d'assurer une plus grande aisance à la hauteur de la poitrine. La seconde remarque concerne la longueur importante de la robe (si on rajoute une vingtaine de cm pour la hauteur de la tête, on arrive à 1m88, ce qui semble une taille exagérée pour l'époque, et pour une femme), qui suggère qu'elle était portée blousante à la taille.
La chemise réalisée à partir de ce patron en reprend le principe, avec comme seule différence une ampleur à la base un peu plus importante (1m50) car le costume auquel appartient cette chemise est un costume de travail.
Techniques de couture : elles reprennent celles mentionnées pour la première chemise.
Composition du costume :
Cette chemise entre dans la composition d'un costume formé d'une cotte en laine, construite sur le même patron et dont les accessoires rassemblent une ceinture en tissu nouée, un tablier de coton épais et un voile en soie.
Les photos de la réalisation
La chemise de Philippe Auguste (« Bouvines 1214 »)
Figure 9 : croquis réalisé par Tina Anderlini d'après la pièce d'origine
C'est une chemise couche 2 (figures 9 à 23)
Matière : lin fin blanc
Patron :
Sa réalisation s'inspire de la chemise de Saint-Louis qui a fait l'objet d'un article très précis de Tina Anderlini et Gaëlle Bernard (Moyen Age, numéro 84). La base de départ est une découpe en trapèze, dont la largeur est amplifiée par l'insertion de godets centraux. Les emmanchures présentent un arrondi anatomique.
Technique
La couture emboîtée : elle consiste à superposer les bords de deux parties à joindre sur environ 1 cm de largeur (fig. 10), puis à rabattre le bord par en-dessous et à le fixer ensuite par une couture à petits points (fig. 11). L'opération est à reproduire de manière identique sur l'autre face (fig. 12). Cette technique permet d'obtenir une jonction très plate et consolidée par une double couture.
La couture rabattue : elle consiste, après avoir joint deux bords par une couture classique, à diminuer la largeur d'un des deux bords (fig. 13) et à rabattre par-dessus l'autre bord laissé dans sa largeur initiale, puis à le rentrer et à le fixer par des points de couture.
La couture bord à bord : elle permet de joindre deux parties auxquelles on a préalablement fait un ourlet. Les deux bords sont ensuite mis à plat l'un contre l'autre et joints par des points de couture. Ce procédé permet de défaire rapidement la couture pour obtenir plus d'aisance ou pour faciliter l'enlèvement du vêtement. Sur la tunique de Saint-Louis, cette couture est utilisée pour les manches, le long des avant-bras et pour la jonction entre les deux parties du godet central, qui pouvaient donc être aisément décousues et recousues.
Couture recouverte : elle permet de faire une finition propre et aplatie qui recouvre la zone de jonction entre deux pièces de tissu, dont les bords ont été rabattus de chaque côté. Dans le cas de la chemise de Saint-Louis, cette technique est tout particulièrement utilisée dans la région du plissage du godet. Une fois le godet plissé joint, par une couture classique, à chaque côté de la fente sur le devant ou dans le dos, une bande de tissu étroite est fixée par des points de couture sur la jonction, en prenant soin de conserver une excroissance suffisante pour obtenir un croisement avec la seconde bande latérale (fig. 15).
Il est conseillé de faire une couture à petits points surtout si le tissu est fin (fig. 16).
Cette couture se faisant sur l'endroit de la chemise, c'est en réalité sur la face interne de la chemise que la finition est plus propre (fig. 17).
Passage de la couture emboîtée à la couture bord à bord : c'est un moment particulièrement délicat.
Composition
Cette chemise entre dans la composition d'un costume civil royal. Il se compose donc de trois couches (chemises 1 et 2, et bliaut). Le choix des matières tend à refléter le statut social très élevé (soie, brocard de soie).
Photos de la réalisation
Les chemises d'Otto IV (« Bouvines 1214 »)
Il s'agit là d'un ensemble de deux chemises (fig. 24 à 33) portées l'une sur l'autre et sous le bliaut. Compte tenu des influences entre les costumes ecclésiastiques, impériaux et ceux de tradition byzantine, ainsi que de la pérennité de leurs formes, le choix a été fait de s'inspirer des vestiges découverts dans la tombe de l'évêque Rodrigo Ximenez de Rada, dans la nécropole de Las Huelgas. Deux pièces archéologiques ont été utilisées ici, la camisa corta (fig. 24) et la camisa mediana (fig. 25).
Technique
A la machine pour les coutures invisibles, à la main pour les coutures visibles (encolure, ourlets). Sur l'envers, les coutures sont rabattues avec couture à la main. Le recours à la soie pour la chemise médiane a imposé des points de couture très petits.
Composition
Ces deux chemises entrent dans la composition d'un costume civil impérial du Saint Empire romain germanique. Il se compose donc de trois couches (chemises 1 et 2, et bliaut). Le choix des matières tend là aussi à refléter le statut social très élevé (lin, soie, brocard de soie).
Catherine Besson / Oriabel
29/04/2013
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